Chapitre 2 : VUL-VI : tous les constructeurs répondent présents

La réglementation européenne impose aux constructeurs une baisse significative des émissions de CO2 de leurs poids lourds mis à la route avec des échéances fixées à 2025 et à 2030. Le mode de calcul de ces émissions étant indépendant du carburant, le véhicule électrique s’impose. Quant aux VUL, leurs motorisations électriques facilitent leur acceptation dans les villes où le refus des véhicules est de plus en plus exprimé malgré la croissance de l’e-commerce.

Le véhicule électrique, tout le monde s’y met ! L’offre est bouillonnante. Les annonces et les mises sur le marché de modèles électriques sont permanentes. Leurs multiplications et le décollage des ventes des véhicules électriques en 2020 ont fait de l’année écoulée une année charnière dans l’histoire de la motorisation des utilitaires légers. Côté poids lourds, les arrivées de camions électriques en flottes se font encore à doses homéopathiques, mais les constructeurs veulent y croire.

Le premier MAN eTGM français est exploité quotidiennement par Perrenot pour Franprix depuis septembre 2020.

Des VUL électriques déjà disponibles ou sur le point de l’être

Parmi les fourgonnettes de 2-3 m3, on trouve les Nissan e-NV200 et Renault Kangoo Electric (ex-Kangoo ZE) qui s’apprêtent à affronter la concurrence des nouveaux Citroën ë-Berlingo et Peugeot e-Partner. La catégorie intermédiaire des fourgons compacts entre 4 et 7 m3 est représentée par le Mercedes eVito qui sera bientôt rejoint par les quadruplés Citroën ë-Jumpy, Opel Vivaro-e, Peugeot e-Expert et Toyota ProAce électrique. Enfin, les grands fourgons (8 à 17 m3) s’électrifient également avec les Mercedes eSprinter, Renault Master Electric (ex-Master ZE) ainsi qu’avec les jumeaux MAN eTGE et VW eCrafter. Les triplés Citroën ë-Jumper, Peugeot eBoxer et Fiat e-Ducato sont annoncés, mais pas encore commercialisés tandis que le Ford eTransit arrivera début 2022.

Renault marque un point significatif en proposant le Master Electric, non seulement en fourgon, mais aussi en châssis cabine. Grâce aux carrossiers, une multitude d’applications métiers s’ouvrent à lui dès maintenant. Fiat annonce également une version châssis cabine pour son futur eDucato.

L’intérêt de véhicules comme le Renault D ZE 16 t est leur compatibilité avec la réglementation parisienne. Elle autorise à toute heure la circulation de camions avec motorisation propre si leur surface n’excède pas 29 m2.

La mutualisation industrielle est devenue la règle

Chaque constructeur d’utilitaires légers a été plus ou moins rapide à dégainer selon les segments. Renault a évidemment déjà écrit une longue histoire avec son Kangoo ZE, mais il tarde à électrifier totalement son Trafic pour lequel seule une version hybride rechargeable est annoncée en 2021. Chez Mercedes, on assiste à une situation opposée puisque l’eVito est longtemps resté le seul VUL électrique dans sa catégorie. Les grands fourgons profitent pour leur part d’une offre relativement importante. Elle s’explique par le volume de ventes de leur segment.

Si l’offre est en apparence pléthorique, elle dissimule mal la forte mutualisation industrielle au sein des groupes, voire entre constructeurs indépendants sur le plan capitalistique. Sans surprise, un même modèle est décliné par les différentes marques de PSA (Citroën, Opel, Peugeot) ou de VW-Traton (VW, MAN). Les accords de coopération sont élargis au-delà des groupes puisque l’usine Sevel Nord de PSA produit également pour Toyota. Ford et Volkswagen collaborent quant à eux pour électrifier leurs VUL. Le caractère extrêmement concurrentiel du marché VUL et le coût de la conversion à la propulsion électrique justifient un partage de ressources entre ces deux acteurs qui se distinguaient jusqu’alors par leurs indépendances.

Ford : Il faudra attendre 2022 pour prendre le volant de l’eTransit.
Le premier Volvo FE Electric français a été mis en service par Eiffage en 2020. La pompe hydraulique de sa grue auxiliaire est entraînée par un moteur dédié qui tient lieu de prise de mouvement.
Le Mercedes eVito est resté seul sur le segment des 4-7 m3 pendant trois ans. Il y sera bientôt rejoint par les véhicules PSA et Toyota produits par l’usine Sevel Nord.

Le numérique prolonge le véhicule

Après le véhicule électrique, l’automatisation de la conduite s’annonce déjà. Dans le cadre de leur coopération, Ford Motor Company et Volkswagen Véhicules Utilitaires ont investi à parts égales dans Argo AI. Cette entreprise est spécialisée dans les plateformes logicielles de conduite autonome. Le concept VW ID Buzz annonce l’utilitaire électrique à conduite autonome. Dans le même esprit, Renault a présenté le robot de livraison EZ-Pro.

Parce que la batterie concentre l’essentiel de la valeur d’un véhicule électrique, les constructeurs cherchent à intégrer sa production afin de réduire leurs achats auprès des équipementiers. C’est pourquoi Ford construit un Electrification Center à Cologne. Quant aux services numériques dédiés aux véhicules électriques, ils émergent avec l’arrivée de systèmes comme Mercedes PRO connect.

Comme la grande distribution, l’industrie du luxe communique à travers ses véhicules électriques. Ce Volvo FL exploité par Alainé roule pour la marque Dior du groupe LVMH.

En poids lourds, priorité aux 26 tonnes

L’augmentation du tonnage aide à absorber le surcoût d’une motorisation alternative. C’est pourquoi la priorité a été accordée aux camions de 26 t qui représentent souvent le meilleur compromis pour l’approvisionnement des supérettes de centre-ville. La grande distribution souhaite verdir son image et a déjà largement favorisé le recours au méthane. Pour elle, l’étape suivante a été amorcée avec l’arrivée des premiers PL électriques en très petites quantités.

Actuellement, il s’agit encore de démontrer la compatibilité des camions électriques avec l’ensemble des utilisations urbaines et péri-urbaines, au-delà des applications « voirie » pour lesquelles on les utilise déjà depuis un siècle. Il n’est pas étonnant que le premier Renault D Wide ZE ait été carrossé en benne à ordures ménagères (BOM).

Accessible dès le permis C1, Le Fuso eCanter (7,5 t) est seul dans sa catégorie. Au premier trimestre 2021, une trentaine d’exemplaires de ce modèle sont en service en France. Cela en fait le camion électrique le plus largement diffusé dans notre pays pour le moment. Il pourrait remplacer la cinquantaine de Modec électriques introduits dans la flotte Deret à partir de 2007.

En attendant le Volta Zero (PTAC 12 t), l’offre sonne creux entre 7,5 et 16 t. Techniquement similaires, les Renault D ZE et Volvo FL Electric occupent le créneau 16 t. La capacité de leur essieu avant ne leur permet pas de profiter pleinement du « bonus PTAC » d’une tonne. Leur PTAC est ainsi limité à 16,7 t. On remarque que l’empattement de ces porteurs 4×2 permet d’y placer jusqu’à six packs de batteries. Cela laisse une certaine liberté pour ajuster le compromis entre autonomie et charge utile. Le DAF LF électrique est un 19 t, tonnage à partir duquel on trouvera aussi les Scania P et L.

1. Comparé aux PVI C Less et aux Mercedes eEconic, le Scania L électrique est le camion à cabine surbaissée dont la cabine est la plus moderne.
2. Le Scania P électrique a été présenté en version 4×2 (20 t y compris le bonus PTAC) alors que ses concurrents privilégient la configuration 6×2 qui autorise 27 t, bonus compris.

Les constructeurs mettent l’accent sur les 26 t (27 t avec le bonus PTAC). Outre les MAN eTGM, Renault D Wide ZE et Volvo FE Electric déjà en service en France, cette classe de tonnage correspondant à des silhouettes 6×2 sera représentée sur nos routes par les DAF CF Electric ainsi que par les Mercedes eActros et eEconic. Il faudra attendre deux ans pour que le parc s’enrichisse des Volvo FM, FMX et FH électriques, sans oublier le Nikola Tre en version batteries. Rappelons que c’est Iveco qui conçoit et industrialise le Nikola Tre.

Adapter la carrosserie à chaque métier

Pour livrer les supérettes parisiennes de Franprix, Perrenot a mis en service un MAN eTGM équipé d’une caisse Frappa avec groupe cryogénique Silencio. Dans le domaine de l’approche chantier, Eiffage a fait équiper un Volvo FE Electric en plateau-grue. Installée dans le porte-à-faux arrière, cette grue Palfinger fonctionne grâce à une pompe hydraulique à débit variable entraînée par un moteur électrique. Celui-ci se substitue aux habituelles prises de mouvement.

Le premier Volvo FL électrique français a été carrossé en fourgon sec pour Alainé et roule au profit de LVMH tandis que le premier Renault D 16 t est pour sa part muni d’une caisse frigorifique Lamberet avec groupe Carrier. Il est exploité par Delanchy.

Le prix d’un camion électrique 16 t est peu différent de celui d’un 26 t. Les camions de 16 t avec motorisation propre ont toutefois l’avantage de pouvoir circuler librement dans Paris à toute heure si leur surface n’excède pas 29 m2. Dans la capitale, les camions occupant jusqu’à 43 m2 ne sont autorisés que de 22h à 7h.

Contrairement aux modèles thermiques, les VUL et PL électriques ne proposent en général qu’une seule motorisation par modèle. En revanche, l’utilisateur a généralement le choix entre plusieurs configurations de batteries. Il choisira entre elles selon le compromis entre charge utile et autonomie correspondant à son besoin. Les batteries étant généralement placées dans l’empattement, la longueur de celui-ci détermine les configurations possibles et donc, l’autonomie.

1. Le Renault Master Electric est disponible en version châssis-cabine. Cette possibilité est encore exceptionnelle pour les VUL électriques.
2. Parmi les réseaux VI, Renault Trucks dispose à ce jour de la gamme disponible la plus complète puisqu’on y trouve le Master Electric (3,5 t), le D ZE (16 t) et le D Wide ZE (26 t).
3. Noblet est le premier utilisateur dans le secteur BTP d’un Renault D Wide ZE. Celui-ci est carrossé en plateau-grue.

L’autonomie annoncée pour les VUL correspond au cycle WLTP. En pratique, elle est fortement influencée par le relief de l’itinéraire, les conditions de circulation, la charge transportée, la température extérieure, le style de conduite ou l’alimentation d’équipements spécialisés à partir des batteries de traction. Pour la recharge, la prise CCS est généralisée. Le recours à la charge rapide est commode, mais elle n’est pas possible depuis toutes les bornes et elle peut dégrader la durée de vie des batteries. S’il est nécessaire de remorquer, ce point doit être vérifié avant l’achat car les véhicules électriques ne sont pas tous aptes à l’installation d’un attelage. Le travail du carrossier sur un PL électrique est plus long que sur son équivalent thermique en raison du nécessaire décommissionnement des batteries et des précautions à prendre. Parce qu’on évite de souder sur un châssis électrique, sa carrosserie doit lui être présentée, puis être déposée à plusieurs reprises. Le surcoût de la carrosserie d’un véhicule électrique s’estompera lorsqu’elles cesseront d’être exceptionnelles dans les ateliers. Loïc Fieux

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