L’OVI présente les chiffres du marché du véhicule industriel dont nous avons publié les constatations sur le premier semestre, voici les prévisions du 2ème semestre 2020
« L’avenir de la reprise dépendra notamment de l’impact et de la durée des protocoles sanitaires dans les entreprises, des comportements de consommation et d’investissement des ménages et des entreprises, et enfin du contexte international. En effet, se posent aujourd’hui une multitude de questions susceptibles de donner lieu à autant d’hypothèses. Si l’on commence à mesurer et à produire des prévisions en matière de croissance, ou décroissance, sur différents périmètres, France, Europe, Monde, il convient ensuite d’analyser les composantes du PIB afin de tenter d’évaluer les impacts sur l’investissement. Les deux secteurs majeurs consommateurs de véhicules utilitaires, poids-lourds et utilitaires légers, que sont le Transport routier de marchandises et le BTP auront subi des impacts majeurs dont certains non rattrapables. La démarche urgente, comme d’ailleurs pour tous les secteurs d’activité, aura été de sauvegarder les entreprises en assurant le fonctionnement à court terme, la démarche d’investissement étant reléguée à plus tard. » développe Jean-Michel Mercier, directeur de l’OVI qui formule l’hypothèse d’un arrêt de la chute des immatriculations progressif à partir du début du second semestre qui tiendra à la concrétisation de commandes en stocks par des livraisons dont le rythme dépendra en premier lieu des capacités et/ou des choix des constructeurs quant à la production estivale.
Jean-Michel Mercier, directeur de l’OVI
Le retard moyen de réception des véhicules à carrosser est de 2 à 5 mois. De ce fait, les carrossiers-constructeurs qui ont, en majorité, adapté et maintenu leur activité pendant la période de confinement, vont subir dans les prochains mois un creux dans leur production faute de châssis à carrosser et équiper. Ainsi des véhicules commandés aujourd’hui ne devraient être livrés qu’en octobre. Cela se traduit par un planning en mode « stop&start », faute d’un approvisionnement continu, très coûteux pour les sites industriels (Source : FFC constructeurs).
Programmes de soutien
Parmi les points clés qui vont conditionner les résultats à venir, le premier est le marché du VO susceptible de bloquer celui du VN (cf. la précédente crise en 2009-2010). En effet, toutes sorties de parcs à des conditions économiques dégradées ralentiraient les renouvellements. La problématique de la capacité d’endettement des utilisateurs finaux sera également centrale. Restera enfin la nature et l’ampleur des programmes de soutien qui pourraient bénéficier à la filière « camion » (cf. notre encadré en annexe). La fin de l’exercice 2020 devrait nous mener à un atterrissage assez brutal au regard de la fin de la précédente décennie (en haut de cycle) et nous donner une indication sur un exercice 2021. Il faut se souvenir que lors de la crise de 2008, le marché VI avait dû subir deux exercices consécutifs (2009-2010) fortement dégradés. « Si la situation ne s’aggrave pas, nous évaluons la baisse des immatriculations pour cette année entre -30 % et -35 % et une baisse de l’activité après-vente de l’ordre de 10 % pour 2020. Nous sommes tous conscients que nous allons être très fortement frappés par la crise économique qui s’amorce » a déclaré Nicolas Lenormant, président de la branche VI au CNPA.
Au-delà de ce trend global, il semble que le marché des véhicules utilitaires pourrait mieux tirer son épingle du jeu grâce à des ressorts plus nombreux (subventions à la transition énergétique, développement du e-commerce, reprise du BTP…) et une base d’acheteurs plus large. A l’opposé, le marché tracteurs pourrait subir une chute plus forte et plus durable du fait des difficultés des transporteurs et d’un parc fortement rajeuni entre 2015 et 2019.
En conclusion, les intervenants de la filière qui ont pu s’exprimer ne croient pas à un effondrement majeur du marché. Si la situation sanitaire ne s’aggrave pas, les prémices d’une reprise sont attendues dès la fin de l’année, pour un rebond envisagé en 2021, l’hypothèse d’un secteur du véhicule industriel mieux armé qu’en 2009-2010 étant retenu par certains.
Nous prévoyons un exercice 2020 qui se conclurait par une baisse comprise entre 30 et 35 % par rapport à 2019, soit une hypothèse convergeant vers les niveaux constatés lors de la dernière grande crise de 2009-2010, c’est-à-dire un marché du + 3.5 t compris dans une fourchette de 35 à 38 000 unités.
Les relais de croissance et de reprise via la transition énergétique
Si le secteur a considérablement optimisé les performances des véhicules diesel durant ces deux dernières décennies et si la flotte de véhicules au gaz s’est aussi significativement développée, le moment est venu de donner une impulsion majeure pour une diversification vers un mix de nouvelles technologies reposant sur une adaptation optimum de l’offre de véhicules à la demande des utilisateurs finaux. La prise en compte du cadre d’intervention (transport urbain vs transport interurbain) et de modèles économiques valides sera essentielle. Un point clef largement évoqué depuis le début de la crise réside dans les choix de stimulation de l’économie européenne vers des transports plus verts, un budget de 750 milliards d’euros pourrait être investi.
Des investissements dont se réjouissent les fédérations européennes du transport routier, confirmant la nécessité de signaux politiques clairs pour les choix technologiques futurs, mais aussi d’investissements publics pour stimuler l’achat de véhicules « propres ». A condition, bien sûr, que les autorités compétentes mettent en place des infrastructures de carburants alternatifs tout en adoptant une démarche empreinte de pragmatisme.
Nouvelles énergies
Si la technologie électrique pourrait prendre une place significative, dans les années à venir, dans le domaine de la distribution urbaine (faible kilométrage quotidien, tonnages limités), pour les trafics interurbains, il faudra vraisemblablement attendre une offre de véhicules adaptés en terme notamment de charge utile, de capacité de batteries et de réseaux de charges suffisants. Le recours à la pile à combustible pour le trafic longues distances est également avancé mais sans concrétisation probable avant la fin de la décennie, à noter le plan de relance économique allemand de 130 milliards d’euros qui financerait la technologie hydrogène et les nombreux projets en cours dans ce domaine à travers le monde.
La grande distribution aime rouler au gaz
Par ailleurs, la solution au gaz qui s’impose dans l’immédiat sur moyenne et longue distance reste aujourd’hui une solution viable qui peut s’appuyer sur un réseau de stations significatif. Il existe 144 points d’avitaillement publics en service au 1er juin 2020 (110 pts GNC et 34 pts GNL) et 228 pts d’avitaillement seront disponibles en juin 2021 (166 pts GNC et 62 pts GNL). La filière ouvre, en moyenne, un point d’avitaillement par semaine.
En juin 2020, ce sont près de 12 000 véhicules lourds et 10 500 véhicules légers qui s’approvisionnent à ces stations. Depuis 2014, les immatriculations des véhicules lourds au GNV augmentent en moyenne de 20 % par an (Source : AFGNV). Le développement en cours de la filière biométhane étant susceptible de véritablement confirmer l’impact de cette énergie dans les objectifs de réduction de CO² de la filière poids lourds.
Les préconisations de plan de relance de la filière
Parmi les mesures d’aides directes à la demande de VI qui ont pu être évoquées par la profession, figurent en première ligne les primes à la conversion de véhicules anciens (de Euro 3 à Euro 5 vers Euro 6) ou encore sur les aides à l’achat de véhicules propres. La notion de relance par une accélération de la transition énergétique étant complètement intégrée par le secteur.
Nous avons synthétisé certaines mesures phares, impactantes pour les investissements en véhicules industriels et préconisées par la filière camion en reprenant les items majeurs et concordants ciblés par certains des institutionnels de la profession, au cœur des problématiques « transport » :
Source : CNPA Branche VI
- Remettre en place une prime à la casse en faveur de l’achat d’un véhicule Euro 6 (neuf ou d’occasion) ;
- Favoriser le renouvellement du parc vers des véhicules plus vertueux et économiques ;
- Favoriser l’écoulement des stocks de VO récents;
- Favoriser le développement du B100, étendre le dispositif de suramortissement aux véhicules utilisant ce carburant issu de l’agriculture française et rendre ce carburant éligible à la vignette Crit’Air 1;
- Définir une mesure équivalente au suramortissement pour les structures publiques ;
- Favoriser l’investissement des opérateurs publics vers des véhicules à faible empreinte carbone.
Source : FFC Constructeurs
- Stimuler la commande publique directe ;
- Soutenir les marchés consommateurs de véhicules (transport routier, BTP…) en privilégiant les acteurs qui utilisent des véhicules performants et produits localement ;
- Valoriser l’empreinte carbone moindre des véhicules des carrossiers-constructeurs français à travers une labellisation portée par l’ADEME et exigée dans les appels d’offres publics ;
- Simplifier l’accès aux appels d’offres singulièrement pour les TPE/PME ;
- Encourager l’innovation et la R&D dans les matériaux, l’intégration des solutions numériques et les technologies de construction de véhicules industriels et utilitaires.
« Au moment où le secteur automobile est impacté par une baisse d’activité à un niveau sans précédent, c’est à ces conditions que la France, acteur historique de l’innovation dans l’automobile, pourra prendre efficacement le virage qui s’annonce pour la carrosserie-construction dans la décennie et protéger l’emploi à travers son tissu de TPE/PME. Ces objectifs peuvent être atteints avec le concours des véhicules conçus, sourcés, carrossés, homologués, entretenus, réparés, recyclés en France » déclare Benoit Daly, Secrétaire Général de la FFC Constructeurs.
Le transport routier attend un geste fort du gouvernement comme de l’Europe
Source : FNTR
- Prolonger le dispositif du suramortissement pour l’acquisition de véhicules à motorisation alternative au diesel pour une période de 5 ans ;
- Gel au niveau de la TICPE sur le GNV sur la même période afin de donner de la visibilité aux entreprises ;
- Mise en place d’un dispositif spécifique au secteur du Transport Routier de Marchandises afin de maintenir le même niveau d’investissement des entreprises avec la création de prêts spécifiques ;
- Création d’un fond thématique TRM dédié au sein de BPI afin de favoriser les « rapprochements » d’entreprises.