Transports Guidez : L’entraide comme solution au recrutement

Rachel Niedzwialowska, DRH des Transports Guidez dans le Nord-Pas de Calais, explique le dispositif « Graines de transport et logistique » de formation en alternance pour des jeunes en difficulté. Une transmission de savoirs, et un enrichissement partagé avec les tuteurs.

« On dit souvent que le Covid a fait du mal au transport. C’est sans doute vrai du point de vue des anciens conducteurs qui ont vu leurs conditions de travail se dégrader. Mais pour les nouvelles générations, les routiers sont regardés comme des sauveurs. Ce sont eux qui remplissent les magasins, qui vont au charbon, qui prennent des risques pour nourrir le pays.  Beaucoup de nos jeunes l’ont exprimé ainsi. Le transport crée aujourd’hui des vocations ! ».

Rachel Niedzwialowska

 

Face à une pénurie croissante de main-d’œuvre dans le transport routier, ce message porteur d’espoir est celui de Rachel Niedzwialowska, DRH des Transports Guidez dans le Nord-Pas de Calais. La PME – spécialisée dans le transport de fruits et légumes au sein du réseau Primever – s’est engagée dans le dispositif « Graines de transport et logistique ».  À l’initiative de l’Ecole de la deuxième chance de l’Artois (site d’Arras), et en partenariat avec le centre de formation AFTRAL, ce programme donne la possibilité à des jeunes sortis du système scolaire de les préparer à l’alternance. Il est soutenu financièrement par OPCO Mobilités (l’opérateur de compétences des métiers de la mobilité).

« Je sais d’où je viens, reprend Rachel Niedzwialowska. J’ai aussi connu des temps d’incertitude dans ma jeunesse. J’ai eu la chance de découvrir le monde du transport, et j’y ai trouvé un épanouissement personnel incroyable. C’est pourquoi je suis convaincue qu’il suffit parfois d’initier les jeunes personnes à toute la palette des professions du transport et de la logistique pour les impliquer autour de valeurs saines : le travail d’équipe, la confiance, la responsabilité, l’esprit de famille.  Au-delà du métier de conducteur, notre secteur ne manque pas d’atouts. Mes collaborateurs et moi-même sommes passionnés, et ravis de transmettre notre énergie ! D’ailleurs, notre PME accueille toujours une quarantaine d’alternants, issus de candidatures spontanées ou du bouche-à-oreille. »

L’apprentissage par les pairs

En octobre 2021, huit jeunes ont signé un contrat d’apprentissage chez les Transports Guidez à la suite d’un parcours préparatoire :  six passent un CAP de conducteur routier de marchandises (deux ans) ; et deux (dont une fille) se sont orientés vers un Titre professionnel logistique d’entreposage (un an).

Le succès de cette opération repose sur l’enthousiasme des salariés de Guidez, dont plusieurs se sont portés volontaires pour accompagner les jeunes, et devenir des tuteurs. « La moyenne d’âge de notre entreprise est assez jeune, elle se situe entre 35 et 42 ans. Du coup, beaucoup ont des adolescents à la maison, ce qui facilite la compréhension des équipes. De plus, nous bénéficions ici d’une forte culture familiale. La simplicité, la bienveillance, l’empathie, sont des valeurs fortes de l’entreprise.  Accueillir des jeunes en difficulté, ce n’est pas donné à tout le monde », explique la DRH.

D’ailleurs, qu’est-ce qu’un jeune en difficulté ? « Il existe des profils variés, des jeunes SDF, ou qui ont des difficultés scolaires, des problèmes à la maison, des addictions à l’alcool ou aux drogues, des victimes de violences. En conséquence, il arrive que notre implication dépasse le cadre de la formation et de l’entreprise. Il nous est arrivé d’héberger un jeune sans-domicile fixe dans des locaux prévus pour les conducteurs. »

Théo Lepère  : « Après un stage et un job d’été chez les Transports Guidez, j’ai signé un contrat d’apprentissage en septembre 2021. Le camion, c’est ma passion. J’aime bien la route, j’aimerais devenir conducteur routier comme mon père. Pour l’heure, je travaille au chargement des véhicules sur un chariot élévateur. J’ai passé une formation de conducteur de chariot en interne, et je vais bientôt obtenir mon Caces. »

Son tuteur, Yann Budu, est chef de quai : « J’ai choisi d’être le tuteur de Théo. J’ai envie qu’il arrive à charger correctement un camion, qu’il puisse vivre de ce métier et qu’il prenne la route comme il le souhaite. Pour lui et les autres jeunes, leur succès est notre succès, leur échec est notre échec. Nous portons une responsabilité et beaucoup de satisfaction. Ces jeunes feront demain la réussite de notre entreprise. Théo, je l’ai tout de suite repéré, très motivé, toujours prêt à donner un coup de main. La pépite dans l’œil ! »

 

« Nous avons défini quelques critères de sélection des candidats :  avoir entre 16 et 27 ans, être déscolarisé, sans diplôme.  Après un débriefing avec l’Ecole de la deuxième chance, nous avons réalisé des entretiens pour mesurer la motivation des personnes. Plusieurs ont clairement exprimé leurs problèmes personnels. Nous avons retenu les jeunes qui nous ont paru les plus sincères, ceux qui ont montré qu’ils en veulent ! »

Du côté des Transports Guidez, 20 collaborateurs ont suivi une formation de tutorat à l’OPCO – huit heures en e-learning sous forme de quiz et de tutoriaux très pertinents, selon la DRH. Par exemple, cet apprentissage met en avant l’importance de l’accueil du stagiaire. Préparer son matériel, mettre un calendrier à disposition, montrer qu’on a attendu la personne, exprimer de l’affection. « L’enrichissement est double, relève Rachel Niedzwialowska. J’ai vu certains de nos collaborateurs s’exprimer pleinement en accompagnant ces jeunes. Ce processus d’entraide mène aussi à la cohésion des équipes, qui n’avaient pas forcément l’occasion de collaborer auparavant. Les tuteurs se retrouvent à suivre leurs gamins d’un service à l’autre. On voit qu’ils sont fiers. »

« Les retours de mes tuteurs sont éloquents : Le jeune est top, il a envie, ça fait du bien, je vois qu’il a confiance en moi, il est fier de ce qu’il fait…poursuit-elle. Derrière l’image un peu bourrue des hommes du transport se cache beaucoup de générosité, de sensibilité.  Les tuteurs me rapportent les progrès réalisés, ces échanges sont très enrichissants. Cette intégration permet aux personnes de s’accomplir humainement. »

Que cet exemple serve à d’autres

En 2022, les Transports Guidez remettent le couvert pour ces graines de conducteurs et opérateurs logistique. La RH explique le déroulé du dispositif : « À partir de février, nous commençons à faire la promotion du programme en partenariat avec l’Ecole de la deuxième chance, pour recevoir des candidatures. Suite à quoi nous organisons une journée d’information avec l’AFTRAL. L’école réalise une première sélection des jeunes qu’elle va former pendant cinq mois. Et à partir de septembre, nous réalisons nos propres choix sur cette base, en construisant une vraie relation avec des personnes qui vont passer deux ans chez les Transports Guidez.  Au cours de ces deux années de contrat d’apprentissage, l’école poursuit son soutien des élèves, notamment pour répondre aux problèmes personnels. Elle emploie des psychologues, des assistantes sociales, et procède à des visites médicales très complètes. J’ai pu constater la qualité de cette approche en 2021. C’est une démarche gagnant-gagnant pour le jeune et pour l’entreprise. »

 

« Pendant ces cinq mois à l’Ecole, l’AFTRAL reçoit les jeunes, en immersion dans le centre de formation, poursuit la responsable. C’est le travail pédagogique de l’AFTRAL de montrer aux jeunes – qui ont généralement un problème avec le système éducatif – qu’il s’agit ici d’apprendre un métier, mais en même temps, de recevoir des notions de culture générale. En pratique, ils ont reçu des cours généraux adaptés au monde du transport. Les cours de français étaient basés sur la relation clientèle, comment rédiger une lettre de voiture, etc. ; l’histoire-géo, c’était comment lire une carte, optimiser ses trajets ; les mathématiques, c’était du calcul de temps de route, d’optimisation du chargement, etc. »

L’idée est donc de renouveler tous les ans cette démarche, en réservant 10 places annuellement auprès de l’Ecole de la deuxième chance. Celle-ci représente un réseau de 235 sites-écoles en France, soit 15 000 jeunes accueillis chaque année. Sur le site d’Arras, Transports Guidez est la première entreprise de TRM à adhérer au programme. Mais l’objectif est aussi que cet exemple serve à d’autres, dans le Nord et ailleurs, à commencer par les PME du réseau Primever. En février 2022, Rachel Niedzwialowska a présenté sa démarche auprès de ses homologues RH du réseau.

« Je bénéficie sans doute d’une équipe particulièrement qualitative, mais la clé du succès repose sur une bonne compréhension des enjeux, dès l’origine du projet.  Au-delà de l’aide sociale, il faut mettre en avant une démarche valorisante pour les deux parties. »

Faim de réussite, soif de reconnaissance

Si les patrons de transport témoignent régulièrement d’un désamour du métier, qu’ils se plaignent d’un manque de passion chez les jeunes conducteurs, en opposition aux générations précédentes, on découvre ici un discours différent. Les jeunes ont faim de réussite, ils ont soif de reconnaissance, de soutien de leurs aînés, qui trouvent à leur tour un certain bien-être dans la transmission du savoir.

 

« C’est pourquoi nous poursuivons également une démarche d’initiation à nos métiers dans les collèges et les lycées de la région, en collaboration avec l’AFTRAL. Nous présentons les véhicules, les équipements de manutention. Nous mettons en avant une démarche d’apprentissage dont les jeunes ont manifestement peu connaissance. D’ailleurs, il est dommage que l’éducation nationale ne présente pas mieux des voies alternatives au parcours scolaire classique. »

Wilfried Maisy

TMS, WMS et mobilité, une transformation informatique globale

Maxime Dedoncker, directeur général des Transports Guidez : 

« Fondé par Bernard Guidez en 1985 avec un unique véhicule, puis deux, puis trois, la PME a atteint en 2018 les 500 salariés dont 300 conducteurs. Bernard Guidez a alors cédé l’entreprise au groupe Primever, suite à quoi j’ai pris la direction de la PME fin 2019. Le réseau Primever est constitué de 52 sites sur l’Hexagone, totalisant 2600 collaborateurs et 1000 ensembles routiers, ainsi que 200 000 m² d’entrepôts, l’ensemble générant 430 millions d’euros de chiffre d’affaires.

Les Transports Guidez aujourd’hui, c’est 550 collaborateurs dont 350 conducteurs et 60 agents de quai.  Nous travaillons avec deux typologies de clients, d’une part des négociants et des producteurs de légumes, et d’autre part la grande distribution. A la tête de 240 ensembles articulés, nous sous-traitons moins de 5 % de notre activité. Nous rayonnons sur les Hauts de France et une partie de la Belgique pour collecter des fruits et légumes, qui sont regroupées sur le site d’Arras pour repartir dans la foulée, et alimenter le Min de Lyon, Rungis, ou encore des plates-formes des grandes surfaces du sud de la France.

Sur le plan informatique, nous sommes en pleine transformation. Il y a encore huit mois, nous possédions une informatique embarquée de marque Transics pour opérer un suivi horaire des livraisons. Le fournisseur ayant mis fin à la commercialisation des ordinateurs Tx-Max, il nous a proposé d’évoluer sur la gamme Tx-Sky, mais nous avons décliné cet investissement pour utiliser les ordinateurs de série de Volvo Trucks – dont les camions composent 100 % de notre flotte, avec la solution Volvo Connect.

Parallèlement, nous avons déployé une flotte de smartphones auprès de nos conducteurs pour leur envoyer des messages, en attendant des fonctionnalités plus complètes de suivi de mission, de prise de photographies des palettes, etc. Précisons que pour l’heure, il n’existe pas d’échanges entre Volvo connect et les smartphones. Nous utilisons les systèmes distinctement, les premiers pour exploiter les données des véhicules, et les seconds pour des besoins de traçabilité. Point important : ces smartphones ne sont pas bloqués sur des applications professionnelles, il peuvent aussi recevoir des applications de guidage tel que Waze ou Google Maps qui peuvent être utiles à nos conducteurs.

Par ailleurs, nous sommes en renouvellement de notre logiciel de transport, un TMS maison, pour adopter le logiciel du groupe Primever. Ce dernier comporte des fonctionnalités beaucoup plus poussées de traçabilité, depuis l’enlèvement chez le client jusqu’au destinataire, en passant par l’étape logistique de massification des fruits et légumes. Dans ce dessein, nous allons équiper en 2022 nos agents de quai de terminaux logistiques pour effectuer un suivi par code-barres.

Nous allons également exploiter le WMS Primever. Grâce à cet ensemble d’outils, nous allons offrir à nos clients un suivi complet des commandes, des livraisons, des litiges, via un flux de données horodatées. L’objectif est de simplifier tous ces processus, de limiter les doubles saisies, mais aussi de communiquer avec nos clients par EDI. Les échanges informatisées sont encore très peu utilisés dans notre secteur – 5 % de nos clients travaillent ainsi. Bien sûr, tous ces éléments vont nous permettre d’améliorer notre attractivité, notre service en tant que transporteur. Dans le contexte actuel délicat de hausse des coûts du carburant, des véhicules, qui nous oblige à augmenter nos tarifs, c’est une question qui rassure les chargeurs. »

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