Jeudi 16 juin, la commission européenne a ouvert une procédure d’infraction visant certaines dispositions prises par la France pour faire appliquer le droit du détachement au transport routier de marchandises. De son côté, le président de la commission, Jean-Claude Juncker avait lui-même jugé que le principe « à travail égal, salaire égal, sur un même lieu de travail » était fondamental pour assurer une saine et équitable concurrence en Europe. Sa déclaration précisait que les directives « détachements des travailleurs » de 1996 et 2014 sont des pivots de l’application de ce principe dans tous les secteurs, notamment pour parvenir au respect du salaire minimum. La loi Macron permet, en France, de mettre en place ce dispositif.
Toute l’Europe est concernée
Dans un communiqué, trois syndicats patronaux (FNTR, Unostra et TLF) ne s’en étonnent pas et l’écrivent dans un communiqué diffusé lundi 20 juin « Nombreux semblent surpris de cette décision. Et pourtant elle est logique. Rappelons en effet que la Commission européenne a engagé le même type de procédure à l’encontre de l’Allemagne, exactement pour les mêmes motifs. Il aurait été souhaitable que la France attende les conclusions de cette enquête avant de mettre en place un dispositif dont les modalités d’application restent encore très floues. Si la Profession encourage toutes les décisions visant à lutter contre la concurrence déséquilibrée, elle se montre dubitative quant aux moyens mis en place » et de se demander si les moyens disponibles permettent de répondre à l’attente des transporteurs français « Comment faire pour contrôler des milliers d’opérations de cabotage et de transport international par jour quand on dispose d’un corps de contrôle de faible effectif ? Et surtout, comment être certain d’être en conformité avec la réglementation alors que les documents tels que l’attestation de détachement ne sont toujours pas disponibles à moins de 2 semaines de l’entrée en vigueur de la loi ? »
Apres discussions à la commission européenne
Les trois organisations se demandent s’il n’aurait pas fallu appréhender le problème différemment. Penser harmonisation globale plutôt que dispositif national de protection qui trop souvent, hélas, finit par se retourner contre les intéressés eux-mêmes. Et de poursuivre « La priorité aujourd’hui c’est de tout mettre en œuvre pour que les règles de concurrence dans le transport routier de marchandises soient équitables au niveau européen. Et le détachement ne résout rien : s’il prévoit l’application du salaire minimum national, les chargent sociales, elles, restent payées dans le pays d’établissement de l’employeur. Face à ce dossier complexe, seule une action politique européenne coordonnée sera en mesure d’apporter une vraie réponse. Mais dans ce cas quelles initiatives le gouvernement français entend-il prendre à Bruxelles pour traiter ce problème ? »
Aline Mesples, OTRE
L’OTRE, « l’autre organisation » des patrons transporteurs, qui était intervenue la première dans le débat dès l’annonce de la sanction demandée à l’encontre de la France, est en colère face à la publication du communiqué de la FNTR, TLF et Unostra. « Procédure d’infraction contre la France : l’attitude de la FNTR et TLF inacceptable pour la défense des intérêts du pavillon routier français » titre le communiqué de réponse. L’OTRE reproche aux trois organisations de désavouer le dispositif français relatif à l’attestation obligatoire de déclaration des conducteurs détachés dans un communiqué de presse relatif à la procédure d’infraction contre la France lancée par la Commission européenne. « En prenant cette position très politicienne, ces trois fédérations prennent délibérément partie pour la Commission européenne et contre les intérêts du pavillon français. De plus, elles confortent l’idée que l’État français n’aurait pas respecté les principes de droit européen. » L’OTRE rappelle sa position « En décidant de prendre cette mesure, ainsi que celle relative à l’interdiction qu’un conducteur prenne son repos hebdomadaire dans la cabine de son camion alors même que les premières verbalisations interviennent, le gouvernement a fait preuve de courage et de volonté dans le règlement du problème du dumping social dans le transport routier, après une décennie de laisser-faire. »
Certains groupes développent des filiales en Europe
L’OTRE s’étonne aussi que trois fédérations professionnelles françaises dont l’objet est de défendre les intérêts des transporteurs routiers aient pu critiquer aussi rudement un dispositif qui, s’il reste perfectible, a la qualité non négligeable de permettre d’endiguer la concurrence déloyale sur le marché français en protégeant les entreprises de pratiques déloyales en luttant notamment contre les pratiques intra-groupes (les entreprises européennes à succursales multiples) à des fins de cabotage. En prenant cette position, elles démontrent leur choix partisan et délibéré du camp des ultra-libéraux européens et facilitent davantage encore ceux qui continuent, sans entrave, à piller le marché français. Et l’OTRE conclut « Doit-on s’en étonner quand on sait que la FNTR préside la commission route de l’IRU ? Celle-ci a clairement pris position contre les dispositifs allemands et français, mesures protégeant les transporteurs nationaux ».