Stratégie française en faveur de la conduite automatisée

La conduite automatisée est un axe de recherches pour pallier le manque de conducteurs, mais cet objectif est encore lointain. Après une première série d’actions accomplies depuis 2018, la stratégie nationale en faveur du déploiement de la mobilité routière automatisée et connectée entre à partir de 2023 dans une seconde phase qui s’étendra jusqu’en 2025. Les avancées attendues augmenteront la sécurité et devraient optimiser l’utilisation des infrastructures, mais elles ne sont pas encore prêtes à pleinement remplacer la supervision humaine.

La conduite automatisée, ou la délégation de conduite, ne sont pas que des défis techniques. Ce sont aussi des gageures réglementaires pour le législateur. « Tout véhicule en mouvement ou tout ensemble de véhicules en mouvement doit avoir un conducteur » stipule l’article R412.6 du code de la route dans sa version en vigueur au moment de la rédaction de cet article (20 février 2023). La conduite autonome semble donc interdite. L’est-elle ? Oui et non. Elle est possible sur la voie publique en se plaçant dans le cadre expérimental décrit par le décret n°2018-211 du 28 mars 2018. Celui-ci prévoit notamment que des « conducteurs » devront être capables de reprendre le contrôle du véhicule à tout moment en cas d’incident même s’ils se trouvent physiquement à l’extérieur du véhicule. Un élément décisif a depuis été introduit par l’ordonnance n°2021-443 du 14 avril 2021 relative au régime de responsabilité pénale applicable en cas de circulation d’un véhicule à délégation de conduite. Cette ordonnance crée l’article L123-2 du code de la route qui stipule « Pendant les périodes où le système de conduite automatisé exerce le contrôle dynamique du véhicule conformément à ses conditions d’utilisation, le constructeur du véhicule ou son mandataire […] est pénalement responsable des délits d’atteinte involontaire à la vie ou à l’intégrité de la personne ». Dans le même code, le nouvel article L123-1 créé par cette ordonnance décharge explicitement le conducteur de sa responsabilité « pour les infractions résultant d’une manœuvre d’un véhicule dont les fonctions de conduite sont déléguées à un système de conduite automatisé ». Les lois LOM et PACTE favorisent d’autre part le développement de la conduite autonome. On note que l’automatisation de la conduite est la raison d’être du groupe de travail 29 (WP.29) de la CEE-ONU.

Créer le socle réglementaire

Sous la marque France Nation Verte « Agir, mobiliser, accélérer », la stratégie nationale accompagne le déploiement de la mobilité routière automatisée et connectée en assurant sa sécurité. Elle traduit cet objectif en actions dans le domaine règlementaire ou sous forme d’animations et de soutien, notamment financier, aux acteurs publics et privés. Cette stratégie nationale assure la cohérence des objectifs, des actions et des agendas en intégrant l’évolution des besoins de mobilité ainsi que celles des perspectives industrielles et commerciales.

Les deux principaux objectifs au cours de la période 2018-2022 furent le développement de la production souveraine des technologies nécessaires et la modernisation des services de mobilités. Sécurité, progressivité et acceptabilité sont les trois principes au cœur des actions menées avec environ 200 acteurs (y compris organismes de recherche, industriels et opérateurs de services, acteurs numériques et de la route, associations d’élus et d’usagers). Il a ainsi été possible de préciser des perspectives raisonnées de développement. Elles sont fondées sur des cas d’usages et des domaines d’emploi techniquement et économiquement atteignables. Ces derniers concernent en priorité les transports publics ou partagés, complémentaires des transports massifiés. Concrètement, le transport de marchandises n’est pas exclu du programme, mais il passe au second plan, après le transport de personnes.

Outre de fortes contributions aux travaux internationaux et européens complétant une stratégie de soutien à l’innovation, les travaux ont doté la France d’un cadre juridique permettant le déploiement de véhicules et de services de mobilité routière automatisés. Ils s’étendent jusqu’aux systèmes sans conducteur à bord, mais supervisés sur des parcours prédéfinis.

Passer à l’industrialisation et au déploiement commercial

Entre 2022 et 2025, les actions prioritaires concerneront :

  • la coordination des déploiements en matière de systèmes de connectivité et d’échanges de données. Cela comprend le développement de la connectivité pour l’amélioration de la sécurité et l’optimisation des systèmes véhicules-infrastructures (V2I), notamment en support de l’automatisation.
  • le financement des projets d’investissements dans l’offre de véhicules et de services,
  • l’accompagnement des premiers déploiements commerciaux,
  • l’accompagnement des opérateurs et des collectivités locales qui le souhaitent pour le déploiement de services aux voyageurs avec l’objectif de 100 à 500 services de transports de voyageurs automatisés, sans opérateur à bord en 2030. Les modèles économiques associés aux transports collectifs automatisés et connectés devront être mis en place.
  • La finalisation du cadre juridique relatif au fret et à la logistique automatisés. La logistique automatisée pourra comprendre des services de livraison de proximité sur la voie publique ou dans des zones de mixité d’usages.

Le travail collaboratif qui a fait ses preuves est maintenu en intégrant davantage les collectivités locales aux travaux réglementaires ainsi qu’à ceux qui concernent l’acceptabilité et les aspects sociétaux. Les acteurs de la connectivité et de la logistique participent à ces travaux.

De nombreux travaux concernent la mobilité des personnes, mais certains trouvent des applications en logistique ou lui sont dédiés (dessertes fret point à point, desserte du dernier kilomètre). Les assistants à la conduite, les manœuvres coopératives (contrôle des feux aux intersections, vision étendue, présence d’usagers vulnérables, etc.) ou l’information sur les disponibilités de l’infrastructure (restrictions, travaux, priorités, bouchons, parkings, recharge), trouvent des applications au profit du fret.

Il est déjà possible d’automatiser le transport de marchandises dans une enceinte où la plupart des événements sont contrôlés ou prévisibles (carrière, terminal intermodal, etc.), mais la suppression des conducteurs de camions sur la voie publique, notamment en ville, n’est pas pour demain. Le manque de conducteurs doit donc être résorbé par d’autres solutions. L’une d’elles consiste à atteler deux semi-remorques à un même tracteur afin de former des ensembles de près de 32 m sur les itinéraires compatibles. Il est avéré que ces ensembles sont moins émetteurs de CO2 que deux ensembles semi-remorques habituels. Le lobby anti-camion n’est évidemment pas favorable aux « grands ensembles ».

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