Article rédigé par Christelle Bretaudeau dans la 6e édition de TRM Le Guide
Les smartphones présentent un attrait économique indéniable. Mais il faut considérer d’autres critères de sélection : le besoin réel, les usages cibles, le cahier des charges. Voici les problématiques pour faire le bon choix.
Si les équipements professionnels embarqués de type Transics, Trimble, Vehco, etc. ont encore le vent en poupe, ils sont concurrencés par des solutions légères, ouvertes, accessibles sur smartphone. Quels sont les avantages et les inconvénients de ces deux types d’outils ?
Quelques éléments de prix tout d’abord : une tablette embarquée vaut en moyenne 800 €. Elle est accompagnée d’une unité centrale dont le prix moyen est de 500 €. Soit un ensemble à 1 300 €. Pour sa part, le prix d’un smartphone suffisamment puissant s’élève en moyenne à 250 €. L’écart de prix est donc de 1 050 €. Pour une flotte de 50 camions, la différence est de 52 500 €.
Tout incident perturbe l’exploitation, la traçabilité promise au client
Le smartphone s’est imposé comme une véritable option pour les transporteurs, porté par le développement des possibilités offertes par l’environnement Android. En revanche, les équipements d’informatique embarquée sont affectés au véhicule alors que les téléphones sont attribués aux conducteurs. Ceux-ci sont souvent plus nombreux que le nombre de camions.
La continuité du service
Une fois la mobilité déployée sur une flotte complète, et les services de cette entreprise organisés autour de cette capacité à recevoir de l’information en temps réel, il est indispensable de garantir la continuité du service. Dès qu’un incident survient, il perturbe l’exploitation, la traçabilité promise au client.
L’autonomie du matériel est importante. Lorsque l’on pose une tablette professionnelle sur son socle, fourni par le fournisseur d’informatique embarquée, elle se charge automatiquement. Le smartphone, comme en témoigne Yann Bossard des Transports Blanchard Coutand (voir encadré), est en concurrence avec les smartphones personnels des conducteurs. Charger deux téléphones en même temps est plus complexe. En outre, la tablette reste dans le véhicule. Le smartphone est conservé par le conducteur ; ce qui peut conduire à des oublis ou à des pertes.
Concernant le service après-vente, les tablettes sont facilement garanties sur la durée totale du contrat. Cette assurance est incluse dans le loyer négocié avec l’éditeur d’informatique embarquée. En prévoyant un équipement de remplacement, le transporteur pallie au risque de panne du matériel.
De son côté, le smartphone n’est pas aussi bien garanti. Mais son avantage financier permet de stocker plusieurs unités pour gérer les changements. Le téléphone mobile est plus fragile qu’une tablette. Il faut prévoir un stock de plusieurs appareils. C’est un point à prendre en compte.
Pour autant, les équipements de rechange ne peuvent pas pallier à une interruption temporaire de la traçabilité. Il faut donc limiter les casses au maximum. Pour cela, il faut prévoir une coque de protection et un appareil avec un verre trempé de préférence. Là encore, ces coûts sont à ajouter au prix du téléphone.
Autre point important : en cas de bug ou d’anomalie liée à l’application de gestion de flotte installée (cela arrive plus souvent qu’on ne le souhaite), il faut réaliser une mise à jour à distance. Ce qui est assez aisé pour un fournisseur de télématique embarqué. Cela peut se révéler plus compliqué avec un smartphone qui va s’appuyer sur les Google Services via le Play Store. Lors d’un correctif, il faut alors désinstaller l’application puis la télécharger à nouveau, et ce, sur chaque smartphone.
Pour contrer cette difficulté, il faut investir dans un logiciel nommé Mobile Device Management ou MDM (Gestion de terminaux mobiles) ; une application permettant la gestion des flottes d’appareils mobiles, en assurant la mise à jour des programmes installés ainsi que leur sécurité. Le MDM facilite la propagation des patchs correctifs ou de nouveaux logiciels pour l’ensemble des collaborateurs.
Sécurité et ergonomie
Autre argument en faveur des tablettes professionnelles : on peut en limiter l’utilisation à distance pour l’ensemble d’une flotte. En effet, les transporteurs sont vigilants quant à la sécurité routière. Les conducteurs sont sollicités toute la journée. Ils reçoivent des missions et des messages. Les employeurs demandent à ce que les tablettes déployées dans les véhicules soient bloquées en conduite. Cette garantie n’est pas possible avec un smartphone. Il est évident que l’usage des mobiles est accidentogène.
L’ergonomie est aussi un point essentiel. Le mobile est l’outil de travail du conducteur au quotidien. Il va répondre à des messages, lire les ordres de transport et saisir des informations liées à la commande. Ces données doivent impérativement être le plus exactes possibles. Elles vont servir à l’exploitation et être très souvent transmises au client en temps réel.
Plus l’écran et le clavier sont petits, plus les erreurs de frappe sont nombreuses. La place réduite sur un smartphone oblige parfois à «scroller » c’est-à-dire à faire défiler la page de l’application pour accéder à toutes les informations. Pour résoudre ce manque d’ergonomie, le transporteur peut opter pour des appareils à large écran, voire passer sur une tablette Android. Mais plus l’écran est large, plus la fragilité augmente. Par conséquent, il ne faut pas économiser sur les accessoires de protection.
La gestion des données sociales, l’argument majeur des solutions pro
Le conducteur doit aussi prendre des photos des documents de transport. C’est un des objectifs visés par les PME : dématérialiser les émargés afin d’en faciliter la récupération et la mise à disposition pour le client final. Aucun équipement mobile, tablettes professionnelles ou téléphones, ne peut garantir une qualité de photographie irréprochable. Le scanner embarqué offre à ce titre une meilleure qualité et une stabilité du résultat. Il est important de bien vérifier que le terminal mobile utilisé inclut un logiciel de numérisation qui pourra reprendre et retoucher l’image dès que la photo est prise pour en améliorer le rendu.
De fortes différences applicatives
Au-delà du hard, il y a le soft. On constate deux types d’applicatifs : le premier est proposé par l’interface bi-directionnelle entre la solution TMS du transporteur et son logiciel d’informatique embarquée : le TMS envoie les ordres de transports vers le boitier embarqué. Toutes les informations relatives à la mission saisies par le salarié remontent vers le TMS, directement dans la commande : les quantités chargées ou livrées, les réserves, mais aussi le kilométrage compteur et l’horodatage des différents statuts de la commande — début de chargement, arrivée sur site, coordonnées GPS du lieu où se situe la saisie. Ces derniers éléments collectés sont essentiels pour analyser la rentabilité d’une commande. Ces remontées sont possibles car la tablette est connectée à l’unité centrale par un protocole d’appairage. L’unité centrale est, elle, connectée au chronotachygraphe. Pour autant, la saisie du conducteur au bon moment, c’est-à-dire en temps réel du chargement ou de la livraison est un pré-requis pour que les informations remontées soient pertinentes et exploitables.
Le deuxième type d’applicatifs, de plus en plus courant, est proposé par l’éditeur de TMS lui-même. Dans ce cas, il n’y a pas besoin d’interface. Les informations envoyées au smartphone proviennent du TMS. Celles qui sont collectées à distance s’intègrent directement dans la solution métier. En revanche, si le dirigeant souhaite connaître et remonter le kilométrage compteur et les heures de réalisation des activités, il faut demander au conducteur de saisir manuellement ces informations à chaque étape des séquences de la mission de transport. Cela représente une charge de travail supplémentaire, et induit un certain taux d’erreur.

De plus, il existe de grosses disparités fonctionnelles entre les outils grand public et professionnels. L’informatique embarquée propose de multiples modules : les déclarations d’activités générales telles que la prise de service, qui permet de confirmer ou infirmer la conformité du véhicule par le conducteur avant son départ ; ou encore la déclaration des prises de carburant pour améliorer le suivi des consommations. A contrario, les applications mobiles des TMS ne proposent pas toujours la gestion d’activités déconnectées de la mission de transport.
Un bon point pour le smartphone grand public : la flexibilité. Lorsqu’un client demande à un transporteur d’utiliser son application, tout support utilisant l’environnement Android peut intégrer une nouvelle app. Malgré tout, sur un smartphone, on peut télécharger toutes les applications disponibles dans le Store. Alors que pour installer une application tierce sur une tablette fournie par un éditeur d’informatique embarquée, il faut la soumettre aux services techniques du fournisseur, afin de vérifier qu’elle n’est pas de nature à perturber le fonctionnement du matériel et de ses programmes.
Des fonctions phare
La gestion des données sociales reste l’argument majeur des solutions professionnelles. L’informatique embarquée s’est développée autour de la gestion à distance des temps de service, auxquels a également accès le conducteur dans sa cabine. Celui-ci a pris l’habitude de consulter rapidement ses temps de conduite et d’être alerté des coupures réglementaires. C’est pourquoi le remplacement de l’informatique embarquée par un smartphone équipé d’une application mobile devra être compensé par une autre solution, issue des constructeurs de camions par exemple. Mais c’est un autre coût à additionner.
L’éco-conduite indispensable pour un ROI rapide
La gestion de l’éco-conduite incluse dans les offres de télématique embarquée est une fonction indispensable pour pouvoir avoir un retour sur investissement rapide. Connectée au CanBus, cette fonctionnalité permet de contrôler les profils de conduite des salariés aboutissant, avec un suivi régulier des résultats, à une baisse des consommations, une diminution des accidents, une optimisation des pièces d’usure comme les freins. Là aussi, si le choix est de passer par un smartphone seul, il est important de ne pas oublier cet investissement qui peut être proposé par le constructeur des véhicules.
En conclusion, les coûts et les fonctions associées doivent être considérés dans leur globalité pour pouvoir être comparés. Si l’on souhaite obtenir le même périmètre fonctionnel qu’une solution embarquée professionnelle, l’alternative smartphone n’est plus si avantageuse. Il est donc essentiel de bien définir son projet et les objectifs visés pour choisir le bon outil et les bons applicatifs à installer.
Christelle Bretaudeau
photos © WM / sensimages.fr
Ageneau : anticiper intelligemment

Ageneau Group (49) est à la tête de 190 véhicules répartis sur 5 sites en France. Arnaud Ageneau, co-dirigeant en charge des projets informatiques, nous livre sa réflexion.
« Le numérique domine le monde d’aujourd’hui, et influence grandement nos entreprises. Les clients, qui sont également des consommateurs, souhaitent disposer de toutes les informations nécessaires en temps réel. Ils veulent anticiper les problèmes avant qu’ils ne se produisent. Cette demande de transparence n’est pas simple à satisfaire. La plupart des transporteurs ne disposent pas d’un informaticien en interne. Ils n’ont d’autres choix que de s’équiper de systèmes lourds et onéreux.
Dans ce contexte, l’arrivée du smartphone et sa généralisation date d’environ cinq ans. Nos clients ont profité de cette nouvelle technologie pour prendre les devants et ainsi répondre à leur besoin d’information en développant des applications.
Au sein d’Ageneau Group, nous avons fait le choix en 2014 de nous équiper en matériel dédié fourni par un éditeur d’informatique embarquée. Android n’était pas aussi présent qu’aujourd’hui. Malheureusement les applications développées par les clients ne s’installent pas sur cet environnement. Ce choix de matériel est donc obsolète.
Notre informatique embarquée n’étant pas compatible avec Android, nous avons à nouveau investi dans des téléphones portables pour répondre au besoin de certains clients. Résultat : nos exploitants doivent gérer le flux des téléphones et la formation sur l’application avant le chargement chez le client.
Nous pensions que le nombre d’applications propriétaires allait exploser mais le marché s’est régulé tout seul. Nous comptons aujourd’hui 4 applications clientes : Hortitrace / OPhone / Placoplatre / Cinatis.
Tous ces changements ne sont pas terminés. Nous réfléchissons aux choix les plus pertinents pour ouvrir nos flux vers l’extérieur, sans pour autant laisser notre métier à des start-up dont le seul but est de récupérer de la donnée…
Plusieurs options s’offrent à nous pour demain, tablette de fournisseur d’informatique embarquée, tablette classique, mobile. Chaque outil a ses avantages et ses inconvénients : taille, robustesse, flexibilité.. il nous faut avant tout garder ce qui est déjà acquis et apporter du plus pour que ces nouvelles solutions soient acceptées et intégrées par nos collaborateurs. »
TBC : Un compromis pour une traçabilité complète

La flotte vendéenne des Transports Blanchard Coutand porte une nouvelle solution de gestion de flotte Trimble depuis l’été. Mais comment faire pour les sous-traitants ?
En août 2019, Transports Blanchard Coutand a signé avec Trimble Transport & Logistics pour équiper ses sites de Saint Prouant (85) et de Nîmes (30). La solution a été déployée sur la flotte de 91 véhicules : l’unité centrale Truck4U et la tablette FleetXPS. TBC continue le déploiement auprès de ses sous-traitants. Yann Bossard, directeur opérationnel en charge du projet informatique, nous explique la problématique :
« Nous souhaitons équiper nos tractionnaires de l’application Android de Trimble afin de faciliter les remontées de leurs activités, en temps réel. Nous voulons obtenir la même traçabilité qu’avec nos propres véhicules. Nous étudions actuellement la faisabilité globale de ce sujet. Nous nous heurtons à une question. Quel support choisir ? Nous avons rapidement envisagé une solution smartphone. Mais lequel ? Le nôtre ou ceux des tractionnaires. Nous avons donc réalisé un inventaire des équipements utilisés auprès des conducteurs de nos sous-traitants. Nous avons constaté deux choses :
La plupart de nos tractionnaires équipent leurs salariés de téléphones à bas coût, très basiques et incapables de gérer des applications Android. Tous les conducteurs utilisent leur propre téléphone portable, plus performant, sous Android. L’inventaire de ces appareils donne une flotte très hétérogène (toutes marques et tous modèles du marché)
Le choix : un écran à nos couleurs
Face à ce bilan, nous nous posons plusieurs questions :
Si nous demandons à nos tractionnaires d’utiliser nos smartphones, cela va porter à trois le nombre d’appareils embarqués dans le véhicule. Cela n’est pas sans présager quelques difficultés.
Si nous nous appuyons sur les téléphones personnels des conducteurs, nous allons nous confronter aux oublis, casses, pertes, ainsi qu’au sous-dimensionnement possible de leurs forfaits data. De plus, nous ne pourrons pas contrôler ce qu’ils installent sur leurs smartphones (jeux, applications à usage personnel…), susceptible de ralentir l’utilisation de notre application Trimble.
Dernier point d’interrogation, le modèle économique de notre solution est le suivant : dès la 1ère connexion d’un smartphone à l’application Trimble, notre fournisseur facture le forfait mensuel. Par conséquent, si le 1er du mois, un conducteur utilise l’application, et le 2ème jour du mois, un autre salarié remplaçant le premier se connecte avec son smartphone, dans le même véhicule, Trimble facturera un nouveau forfait. Pour nous, c’est une double facturation.
Tout est affaire de compromis. Il n’y a pas de solution idéale. Mais nous avons fait notre choix. Nous allons fournir un smartphone TBC à nos sous-traitants, avec un écran d’accueil à nos couleurs, afin de mieux contrôler nos outils. Tous en ayant conscience de la gêne relative à l’exploitation de trois téléphones par un conducteur.