Technologie naissante mais pleine d’avenir, la blockchain promet de sécuriser les transactions de datas entre les acteurs des chaînes logistiques et d’automatiser certaines opérations à l’aide des smart contracts.
Le constat fait peur : partout des systèmes informatiques web se mettent en place pour digitaliser la gestion des entreprises alors que les piratages et les failles sécuritaires n’ont quasiment aucune limite. Les systèmes d’information du transport sont déjà fragiles. Selon une étude Sophos, 58% des entreprises de transport françaises ont été touchées par un virus informatique en 2017. Avec les plateformes, avec la digitalisation des documents de transport qui s’accumulent sur les serveurs Cloud, avec les véhicules connectés qui eux aussi génèrent des milliers de datas sur les réseaux, la sécurité des systèmes devient une question vitale pour le secteur. Les mauvaises langues diront qu’en matière d’informatique le « 100% sécurité » n’existe pas et que les fournisseurs technologiques du marché ne prennent pas suffisamment en compte la dimension sécuritaire de la digitalisation. Dans les faits, les éditeurs cherchent toujours à fiabiliser leurs outils tandis que les grands faiseurs de l’industrie automobile et logistique commencent à se fédérer pour lutter conjointement contre les piratages informatiques. C’est dans ce contexte qu’émerge depuis près de deux ans une technologie présentée comme miraculeuse : la blockchain.
Des transactions cryptées
Pour essayer de faire simple, il s’agit de sécuriser totalement une base de données mutuelle utilisée par l’ensemble des acteurs d’une chaine logistique. Tous les systèmes informatiques utilisés par l’ensemble des acteurs de la chaine sont sécurisés par une blockchain qui certifie l’inviolabilité, la fiabilité et la traçabilité de tous les échanges opérés. Des technologies de cryptographie à clé publique et des blocs de données enchainés permettent aux utilisateurs de visualiser toutes les modifications de datas (voir encadré). Ainsi la moindre « transaction » informatique est tracée dans une base que seuls les utilisateurs peuvent manipuler.
Une technologie naissante
Encore balbutiante, la blockchain fait l’objet d’initiatives dans le transport et la logistique. Les premières applications concernent la traçabilité des denrées alimentaires de la grande distribution, initiées par Wall-Mart ou Carrefour afin d’informer les consommateurs. Elles reposent sur des blockchains qui certifient l’identification de chaque opération, de la production au magasin en passant par le transport. L’ensemble des data est ici centralisé sur un portail web auquel le consommateur peut accéder en scannant par exemple le code barre d’un article en rayon. Des premières solutions logicielles sont proposées par IBM, TransChain, EthikChain mais peu sont déployées dans la logistique. Pour y remédier, la FNTR a mis en place un consortium réunissant des adhérents, des assureurs, des banques, le ministère des transports, des startups, pour définir les cas d’usage, les règles de gouvernance et des standards.
Des applications concrètes
« La blockchain peut intervenir à de nombreux maillons de la chaîne de transport dans la mesure où elle permet d’automatiser et sécuriser les échanges de données », commente Thierry Grumiaux, délégué commission de transport international, douane et logistique à la FNTR. « On peut par exemple intégrer la lettre de voiture électronique dans une blockchain qui inclut les documents dématérialisés et leur transfert sécurisé en temps réel vers tous les intervenants du transport. A la FNTR on cherche à mettre en place un « Data pipeline » afin d’automatiser et de sécuriser les échanges d’information. Le chargeur qui génère la lettre de voiture alimente ce data pipeline en données numériques que le transporteur, lui-même connecté, peut récupérer et enrichir à chaque étape de sa tournée. Une fois les données de livraisons collectées, notamment la signature du destinataire, puis adressées simultanément à toutes les parties, un smart contract sécurisé par la blockchain permet de générer la facturation automatique ou même de suivre les paiements. »
Des systèmes encore trop hétérogènes
Il existe encore des freins. « Pour être efficiente une blockchain doit être utilisée par tous les acteurs qui doivent mutualiser l’accès à leurs SI », explique Fabien Petitjean chez Descartes System. « Cela implique déjà d’avoir digitalisé la gestion du transport puis d’utiliser des outils tous compatibles avec la blockchain. Or, sans norme ni protocole, chaque donneur d’ordre peut mettre en place sa propre blockchain compatible avec ses outils métiers et pas ceux du voisin. Le risque est de multiplier les interfaces ou de jongler entre plusieurs blockchain et leurs applications logicielles en fonction des clients. » On le voit en matière d’EDI où il existe des normes mais où les connecteurs sont nécessaires pour rendre compatibles les langages des logiciels des industriels et des transporteurs. Pour Emmanuel Le Cloirec d’IBM, « il y a certes un effet de mode autour de la blockchain qui ne pourra jamais empêcher la fraude ou les erreurs humaines. Néanmoins on observe un consensus et une maturité du marché qui doit permettre son déploiement rapide ».
Blockchain et smart contract
Derrière la technologie c’est en réalité la notion de smart contract qui devrait se généraliser dans le transport. Si les échanges de données sont sécurisés par la Blockchain, un contrat intelligent entre les partenaires peut permettre d’automatiser les transactions. Le smart contract est dit intelligent car il définit des engagements (de ceux qui le signent) qui s’exécutent automatiquement sur la blockchain, en prenant en compte l’ensemble des conditions et des limitations qui avaient été programmés dans le contrat à l’origine. En clair, un smart contract entre le donneur d’ordre et le transporteur peut permettre d’automatiser le paiement de la prestation dès que la livraison a été validée dans la blockchain. Tout est fiable et sécurisé donc rien n’empêche le système comptable ou bancaire de payer automatiquement la prestation du transporteur. Nous n’en sommes pas encore là mais c’est le modèle d’application vers lequel se dirige un transport toujours plus digitalisé.
La Blockchain pour les geeks
Selon Blockchain France, la blockchain est une technologie de stockage et de transmission d’informations, transparente, sécurisée, et fonctionnant sans organe central de contrôle. Une blockchain constitue donc une base de données qui contient l’historique de tous les échanges effectués entre ses utilisateurs depuis sa création. Elle est partagée par ses différents utilisateurs, sans intermédiaire, ce qui permet à chacun de vérifier la validité des données. Il existe des blockchains publiques, ouvertes à tous, et des blockchains privées, dont l’accès et l’utilisation sont limitées à un certain nombre d’acteurs. La première blockchain est apparue en 2008 avec la monnaie numérique bitcoin. Aujourd’hui l’utilisation de la technologie blockchain est étendue plus généralement au cryptage de données circulant sur un même réseau afin de fiabiliser leur traçabilité et leur intégrité.