Réseau routier français, l’Etat d’urgence …

Le rapport remis à Elisabeth Borne, ministre des transports, (cliquez ici pour le rapport) a l’avantage de ne pas être tenté par la langue de bois. Les ingénieurs qui l’ont rédigé n’y vont pas par quatre chemins … et ça fait peur ! Sous la responsabilité de la Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM), un audit externe a été confié à Nibuxs et IMDM, deux bureaux d’études suisses (donc neutres). L’étude visait à aider l’État à définir et à optimiser la stratégie d’entretien pour garantir le meilleur état du réseau routier national non concédé dans les cinq, dix et vingt ans à venir. Ses conclusions ne laissent aucune place à l’approximation et met en avant une situation qui a trop durée pour devenir catastrophique. Les prévisions d’évolution sans changement de politique. Si le budget reste équivalent à l’effort budgétaire des dix dernières années soit 666 millions d’euros la dégradation grave et inéluctable du réseau se poursuivra avec l’apparition de risques « inacceptables et durables pour la sécurité ». Dans cette perspective, en 2037, 62 % des chaussées seraient très dégradées contre 29 % en 2017 et 6 % des ponts seraient « hors service ». Si des efforts importants ne sont pas faits aujourd’hui, des coûts exponentiels en découleront demain Si on continue à dépenser (seulement) 666 millions d’euros par an jusqu’en 2022, il faudra ensuite investir 1,3 milliards d’euros par an jusqu’en 2037 pour revenir à l’état actuel. Un énorme gâchis !

Pont de Gennevilliers, on comprend pourquoi le “curatif” coûte très cher !

Des constatations, mais quelle volonté !

C’est peut-être ce qui a incité la ministre à aller visiter le chantier emblématique du pont de Gennevilliers, en Ile-de-France dont la fermeture de deux voies vers Paris depuis la mi-mai pose d’insolubles problèmes de déplacement à des dizaines de milliers d’habitants, professionnels et transporteurs. Il y circule plus de 200 000 véhicules par jours … Evidemment, face à l’étendue du chantier, Elisabeth Borne n’a aucune solutions miracles en annonçant « “Les services de l’Etat sont très mobilisés pour trouver des solutions qui vont permettre de réparer cet ouvrage. Mais ça va prendre du temps, a rappelé la Ministre, et en attendant il faut travailler sur des solutions alternatives pour la rentrée ». Ces solutions alternatives ressemblent pour le moment à un pansement sur une jambe de bois … Les utilisateurs de ce réseau on déjà trouver leurs propres solutions de contournement qui les font plonger dans des nasses inextricables de congestions urbaines. D’un autre côté, le réseau ferré est saturé et les idées de co-voiturages dans les embouteillages peut convaincantes … Reste donc la patience avec une fin des travaux espérés pour le début de l’année 2019. Très clairement, la faute d’un défaut d’entretien et donc une démission de l’Etat qui se doit d’entretenir un patrimoine commun. La ministre, qui a aujourd’hui u rapport alarmant sur son bureau, le reconnait « Le problème semble venir d’infiltrations. Des investigations doivent encore avoir lieu. Mais de façon générale, cela illustre les problèmes de retards d’entretien des réseaux routiers. C’est une alerte qu’il faut qu’on ait en tête ».

Les gros travaux (ou les défauts d’entretien) engendrent d’importantes congestions très coûteuses

Un tableau noir

Le rapport de la DGITM décrit parfaitement cette situation apocalyptique : En France, l’État est responsable de 21 000 km de routes, 9 000 km sont des autoroutes concédées et 12 000 km constituent le réseau routier national non concédé dont 2040 kilomètres sont aujourd’hui gravement endommagés. Il s’agit d’une petite part (1,2 %) du réseau routier français mais qui assure 18,5 % du trafic routier. Il s’agit donc de l’une des infrastructures les plus empruntées au quotidien par les français et l’un des maillons névralgiques du système de transport du pays. Les experts évaluent la valeur estimée du réseau routier national non concédé à 140 milliards d’euros. Il s’agit du premier patrimoine de l’État avec des millions d’utilisateurs quotidiens. Clairement, les routes constituent le premier support de la mobilité des Français. Dans la seule région Île-de-France, plus de 4 millions de personnes empruntent chaque jour le réseau routier national non concédé. D’où la problématique rencontrée avec la fermeture partielle du viaduc de Gennevilliers sur l’autoroute A15 alors que depuis 2012 plus de la moitié des chaussées présente des dégradations et exige des réparations. Ainsi, sur les 12 000 ponts que compte le réseau, un tiers nécessite des réparations. Le plus souvent, il s’agit de petites réparations afin de prévenir l’apparition de dégradations structurelles. Mais dans 7 % des cas, les dommages sont plus sérieux, présentant à terme un risque d’effondrement et donc la forte probabilité de fermer préventivement ces ponts à la circulation des poids lourds ou de tous les véhicules. Le rapport signale qu’un pont n’est réparé que 22 ans après la constatation des premiers défauts.

Les nécessités d’entretien pourraient réduire les budgets dédiés à la construction de nouvelles infrastructures

Le préventif coute moins cher que le curatif …

A la sortie de l’hiver, la formation des « nids-de-poule » agrave l’état des routes et les rend dangereuses. Résultat, à l’heure actuelle, 17 % des chaussées nécessitent des réparations structurelles. En parallèle des chaussées et des ouvrages d’art, les équipements de la route sont également victimes du vieillissement. On voit de plus en plus souvent des panneaux de signalisation directionnelle en très mauvais état, des réseaux d’assainissement fonctionnant mal. Cette vétusté touche divers équipements, y compris sur des réseaux à forte circulation comme les voies des grandes agglomérations. Aujourd’hui ce rapport dresse un bilan catastrophique … Il va falloir suivre de près les décisions qui seront prises pour y remédier …

Le rapport est ici:

2018.07.10_dossier_reseau_routier

(photos DIRIF et J.Y.Kerbrat)

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