Rapport Pichereau, pour une Europe du transport routier équitable.

Sous l’appellation « l’Europe en mouvement », le 31 mai 2017, la Commission européenne prenait des mesures en vue de moderniser la mobilité et les transports en Europe. Ce vaste ensemble d’initiatives doit permettre de rendre le trafic plus sûr, d’encourager une tarification routière plus juste, de réduire les émissions de CO2, la pollution atmosphérique et la congestion mais aussi de réduire les formalités administratives pour les entreprises, de lutter contre le travail illégal et de garantir aux travailleurs des conditions d’emploi et des temps de repos adéquats. Sur ces points, le transport routier est concerné en poids-lourds et utilitaires légers. « Nos réformes jetteront les bases de solutions routières numériques normalisées, de conditions sociales plus équitables et de règles de marché dont le respect peut être contrôlé. Elles contribueront à réduire les coûts socio-économiques des transports, comme le temps perdu dans la circulation, les morts et les blessés graves sur les routes, les risques pour la santé liés à la pollution et aux nuisances sonores, tout en répondant aux besoins des citoyens et des entreprises et aux exigences environnementales. Les normes communes et les services transfrontières contribueront également à faire du transport multimodal une réalité dans toute l’Europe » précisait Violeta Bulc, commissaire européenne pour les transports.

Violeta Bulc commissaire européenne pour les transports

Cette stratégie s’accompagne d’une première série de huit initiatives législatives visant spécifiquement le transport routier. Pour la Commission, ce secteur revêt une importance particulière car il représente 5 millions d’emplois directs en Europe … Tout en contribuant à près d’un cinquième des émissions de gaz à effet de serre. « Ces propositions doivent améliorer le fonctionnement du marché du transport de marchandises par route et contribueront à renforcer les conditions sociales et d’emploi des travailleurs. Ces améliorations passeront par une intensification du contrôle du respect de la réglementation, la lutte contre les pratiques illégales en matière d’emploi, une réduction de la charge administrative pesant sur les entreprises et une clarification des règles en vigueur, par exemple en ce qui concerne l’application des législations nationales sur le salaire minimum » poursuivait la commissaire aux transports.

La France prend position

Mais les pays doivent être vigilants sur les moyens mis en œuvre et s’en préoccuper directement. Ainsi, le gouvernement français a demandé à Damien Pichereau, député de la Sarthe, de se pencher sur la question et il vient de remettre un épais rapport de 200 pages. Le seul résumé met en avant de multiples questions auxquelles il est indispensable de répondre. Mais aussi toujours les mêmes constats sur les tensions au sein de l’Union Européenne. Ainsi, pouvons-nous lire « Le transport routier international n’est pas en principe exclu du champ juridique du détachement mais il est longtemps apparu, en pratique, très difficile de lui en appliquer les règles compte tenu du caractère très mobile de cette activité, qui rend encore moins aisée la détermination du pays d’accueil, nécessairement temporaire, et par là même la caractérisation du détachement.

Damien Pichereau, à droite, avec Nicolas Hulot

Une partie des États membres applique aujourd’hui strictement les normes européennes en matière de détachement. C’est le cas de la France, qui applique ces règles non seulement aux opérations de cabotage mais aussi aux opérations de transport international routier (TIR) dès le premier jour passé sur le territoire. La Commission européenne le conteste, et a ouvert une procédure d’infraction. L’accord lors du Conseil ESPCO du 23 octobre 2017 a réaffirmé que les règles du détachement s’appliquaient pleinement au secteur du transport, mais compte tenu des spécificités du secteur des transports, les modalités d’application de la directive révisée dans ce secteur seront précisées dans le cadre de la négociation sur le paquet Mobilité I.

La Commission européenne a proposé, pour ces règles spécifiques dérogatoires, un seuil de déclenchement pour le TIR uniquement, fixé à trois jours. Les États de l’Alliance du Routier exigent l’application du régime du détachement au TIR dès le premier jour, à la fois pour des questions de principe (rien ne justifie un traitement différent des salariés) et des raisons pratiques, ce seuil ne facilitant ni l’application ni le contrôle du respect des règles. À l’opposé, les pays périphériques rejoignent le groupe de Višegrad pour demander un rehaussement du seuil de déclenchement, voire son extension au cabotage. La présidence bulgare semble avoir une vision très libérale, avec un seuil d’application non seulement triplé pour le TIR mais également étendu au cabotage. » … cela prouve la difficulté de s’entendre ! Et de poursuivre « Des signaux négatifs ont été donnés en commission au Parlement européen, au moins dans les propositions écrites de la rapporteure sur ce thème. »

Le cabotage, toujours le cabotage …

Concernant le cabotage, « en contrepartie d’un nombre illimité d’opérations, la Commission européenne propose de réduire la période autorisée à cinq jours et de l’étendre aux États limitrophes. Ce qui revient à une libéralisation déguisée. Le cabotage remplit une fonction environnementale et économique dans l’intérêt de tous. Mais l’ouverture proposée ne ferait que cannibaliser les marchés intérieurs des États membres situés géographiquement au cœur de l’Europe. Le rapporteur du Parlement européen a choisi de limiter significativement les possibilités de cabotage notamment en réduisant la période autorisée à 48 heures, mais en maintenant le déplafonnement du nombre d’opérations. Cette option a reçu un accueil « partagé » au Parlement européen. Un tel déplafonnement s’oppose dans son essence même au principe que le cabotage n’est pas et ne doit pas s’apparenter à un mode opératoire ordinaire du transport routier. »

Toute l’Europe des transports transite par la France …

Alors dans ce contexte complexe, la « simplification et numérisation des procédures et des contrôles représente un enjeu majeur et consensuel sur les principes, mais qui doit mieux tirer parti de la mobilité connectée dans ses modalités « Le contrôle du respect des réglementations, européennes comme nationales, qui encadrent ce secteur est un enjeu majeur pour atteindre les objectifs en matière de concurrence saine et loyale, de sécurité routière, de protection du réseau et des infrastructures routiers et de progrès environnemental que l’Union et les États membres qui la composent se sont donnés, et ont choisi de renforcer avec ce paquet Mobilité I. » précise le rapport … mais le délai de transition laissé à la flotte existante pour s’équiper en tachygraphe intelligent est fixé au 15 juin 2034, ce qui semble très loin. Il est évident que bien avant cette échéance, aucun poids lourd roulant aujourd’hui sur les routes européennes e seront opérationnels … ce délai doit être raccourci. Pour le Rapporteur de la commission des Affaires européennes, le calendrier de mise en œuvre tachygraphe intelligent doit être accéléré en avançant cette limite à 2023.

Le rapport complet est disponible ici

Bonne lecture …

 

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