Premier quotidien français avec une diffusion totale de 638 000 exemplaires en 2020, Ouest-France compte 40 éditions locales et réalise un chiffre d’affaires de 306 millions d’euros.
Manuella Lebeau est responsable SI & Méthodes de la Distribution chez Ouest-France. Elle dirige la partie métier, opérationnelle des flux d’informations liés à la distribution des journaux et magazines. Elle explique l’implémentation chez ses dépositaires du TMS Storeway de Puissance i, jusqu’à la gestion des tournées exportées sur des terminaux mobiles.
TRM le Guide : Pour introduire la transformation de votre informatique, présentez-nous d’abord l’organisation de votre réseau et l’envergure de votre distribution, qui dépasse largement le cadre du quotidien Ouest-France.
Manuella Lebeau : Nous travaillons à la refonte de notre système d’information depuis quatre ans. Celle-ci va de pair avec l’évolution de notre dispositif de distribution, dont la première brique touche à l’organisation du portage à domicile. Le portage s’apparente à une tournée de facteurs. Il représente notre socle de lecteurs le plus important, avec 400 000 abonnés print au quotidien Ouest-France — globalement, Ouest-France tire à près de 700 000 exemplaires — auquel s’ajoutent nombre de publications appartenant au même groupe de presse Sipa – notamment les quotidiens régionaux le Courrier de l’Ouest, le Maine libre, Presse-Océan. Notre réseau est également distributeur sous-traitant de titres extérieurs au groupe : Le Figaro, Le Monde, Paris-Match, Elle, Télé 7 jours, Marie-Claire, etc. Toute cette activité est mutualisée depuis plusieurs années.
Notre distribution s’appuie sur un réseau d’entreprises indépendantes, des dépositaires, au nombre de 46 sur la Bretagne, la Basse-Normandie et les Pays de Loire. Ces sites sont responsables d’une zone géographique, sur laquelle ils alimentent des diffuseurs – des kiosques, des maisons de presse, mais aussi des boulangeries et autres magasins, au nombre de 7 à 8000 – ainsi que nos abonnés par portage. Nos dépositaires font chacun appel à environ 80 porteurs, jusqu’à 200 personnes.
Nos abonnés reçoivent leur journal tous les jours avant 7h30. Les porteurs circulent soit en voiture, soit en deux-roues. Ils sont aujourd’hui un peu plus de 4000, sachant que nous connaissons une pénurie de main-d’œuvre. Notre besoin réel se situe autour de 4700 personnes.
Manuella Lebeau
Vous avez donc décidé d’acquérir un nouveau logiciel de transport, le TMS Storeway de Puissance i. Expliquez-nous ce choix et les différentes phases de votre projet.
Dans un marché étendu de TMS chargeurs, nous avons estimé que Storeway correspondait le plus à nos attentes, après plusieurs phases d’appel d’offres et d’ateliers permettant de construire un cahier des charges. Le logiciel demandait néanmoins des développements spécifiques qui ont demandés plusieurs mois. Le fait est qu’aujourd’hui, Puissance i a conçu un TMS quasi sur-mesure pour Ouest-France.
Un exemple de développement : dans chaque tournée, un porteur achemine plusieurs numéros supplémentaires, en plus des commandes prévues. C’est ce qu’on appelle le talon, qui doit être intégré dans Storeway ; cela pour répondre à des anomalies, un journal chiffonné qui doit être remplacé, etc.
La première phase de notre transformation informatique a donc consisté à déployer le logiciel Storeway chez nos dépositaires pour réaliser ces opérations de portage. L’implémentation du TMS de Puissance i a commencé en septembre 2020 sur le dépôt de Saint-Brieuc. Pendant toute l’année 2021, nous avons déployé la solution chez nos 46 partenaires, les trois derniers venant d’être équipés au premier trimestre 2022.
Dans un second temps, à l’horizon 2023, nous prévoyons d’intégrer dans Storeway les flux de routage aux diffuseurs. Une dernière étape, en 2024, consistera à brancher sur le même système notre plan de transport amont. Depuis nos trois sites d’impression, environ 70 camions livrent nos 46 dépositaires.
Comment sont gérées les tournées de portage et les flux d’informations associés ?
Tout d’abord, nos tournées sont similaires d’une journée sur l’autre. Il n’est pas nécessaire de les optimiser quotidiennement, car nos lecteurs sont relativement stables ; même s’il existe certaines variantes concernant la distribution des hebdomadaires et des mensuels. Chaque dépositaire optimise donc lui-même ses tournées, de manière à ce que ses livreurs réalisent des circuits quasi-identiques.
En pratique, le dépositaire organise dans Storeway des tournées génériques. Il suit un cahier d’affectation des conducteurs, incluant des récurrences pré-renseignées – des remplacements de porteurs certains jours définis en fonction des absences, etc. Notre ERP, qui contient tous nos abonnés, édite quotidiennement un fichier de tirage, donc des demandes de distribution que l’on traduit en autant de commandes à intégrer dans Storeway.
Nous envoyons quotidiennement au dépositaire les commandes qu’il doit réaliser, incluant une date préconisée de distribution. Une fois son planning validé, le dépositaire coche les produits à distribuer le lendemain, les quotidiens, les hebdomadaires, les suppléments, les hors-séries…
Tous les paramètres étant saisis, le TMS calcule en quelques minutes l’organisation de portage optimale du jour suivant, ce que nous appelons la création des voyages. Chaque voyage correspond donc à l’affectation d’un conducteur à une tournée représentant une suite de destinataires. Notons qu’il n’existe pas ici de contraintes de charge ou de volume. Il s’agit uniquement de faire correspondre des commandes à satisfaire avec des moyens matériels et humains.
Dans une seconde étape, les porteurs réceptionnent leurs tournées… Comment cela fonctionne-t-il ?
Une fois les voyages définis dans Storeway, les informations sont transmises sur des terminaux mobiles d’aide à la distribution via une plateforme intermédiaire. Nos 4000 porteurs sont équipés de smartphones Samsung standards ou de modèles durcis équipés exclusivement de l’application Page Up C-porté.
La veille au soir, un porteur peut visualiser sa liste de distribution et les écarts par rapport à la veille. Au matin, il valide la réception de ses journaux, l’information du statut “enlèvement” étant instantanément transmise à Storeway. Le dépositaire peut ainsi s’assurer de la bonne marche des opérations du jour, ou éventuellement d’un remplacement à effectuer en urgence. Chaque tournée doit être finalisée pour 7 h, notre promesse client assurant un dépôt du journal avant 7h30.
Précisons que le dépositaire peut visualiser l’ensemble des statuts de livraisons (à l’heure, en retard, ou non livré avec un motif à renseigner) à partir de 7 h, mais pas avant. En effet, l’employeur d’un porteur n’a pas à calculer son temps de travail via cet outil en connaissant sa position en temps réel. Les mêmes statuts remontent vers notre service client après 7h.
Prochainement, nous allons ouvrir notre système d’information afin que nos éditeurs partenaires puissent réceptionner directement les preuves de livraison et les informations associées selon le même canal. En envoyant tout à partir de Storeway. Cela simplifiera le travail des dépositaires, cette évolution devrait être finalisée en 2023.
Que se passe-t-il lorsqu’il faut ajouter de nouveaux points de livraison aux tournées génériques des dépositaires ?
Chaque fois qu’un nouveau destinataire est enregistré – un nouvel abonné Ouest-France ou d’un titre extérieur, nous déterminons par géocodage le dépositaire le mieux placé pour livrer l’adresse en question. Nous envoyons cette donnée à Storeway, qui va déterminer automatiquement dans quelle tournée générique intégrer le nouvel abonné, entre deux destinataires existants, toujours en fonction des coordonnées géographiques.
Cette fonction dite de “proposition de classement” est très importante dans Storeway. Le TMS envoie l’information dans C-porté. Le porteur concerné voit donc apparaître un nouveau destinataire dans sa feuille de route, qu’il va identifier d’un coup d’œil.
Par ailleurs, nous traitons un flux de réclamations qui arrive aussi dans Storeway, pour identifier d’éventuels litiges entre les statuts déclarés par le porteur et des clients qui se plaindraient d’un retard ou d’une non livraison.
Parallèlement, nous avons mis en place un portail pour partager ces informations de type reporting qualité – satisfaction client avec nos dépositaires en toute transparence. Nos partenaires y trouvent des statistiques et l’historique des non livrés, et autres réclamations par tournée, par secteur etc.
Rédaction Ouest-France
Les tournées sont-elles associées à du guidage sur ces itinéraires ?
En général non, mais un nouveau porteur ou qui commence une tournée qu’il ne connaît pas peut demander à être guidé. Dans ce cas, l’application C-porté lui permet de se diriger d’un point A à un point B.
Nous exploitons également un système d’alertes, pour identifier un destinataire qui ne serait pas classé dans une tournée. Dans ce cas, le dépositaire doit l’intégrer manuellement dans le TMS pour que la commande puisse bien être satisfaite dans un voyage le lendemain.
Dans une phase suivante , vous parliez d’intégrer les tournées de routage au nouveau système. Détaillez-nous cette organisation ainsi que votre projet informatique.
Les tournées de routage sont effectuées à partir des sites dépositaires vers les porteurs et les diffuseurs. Précisons que les porteurs réceptionnent les journaux à distribuer sur des lieux définis, proches de la tournée de portage. Cela peut être sous un abri de bus, chez un diffuseur, etc. Avant 4h du matin, les dépositaires reçoivent les journaux sur leurs plate-formes. Ils alimentent prioritairement les porteurs qui partent en tournée, puis les diffuseurs avant l’ouverture des magasins.
À l’horizon mi-2023 ou 2024, les dépositaires utiliseront Storeway pour planifier et transmettre ces tournées de routage. Tout cela prend du temps, d’une part pour s’assurer de la bonne marche des étapes précédentes, mais aussi parce que nous remettons à plat l’organisation de notre distribution aux diffuseurs. En effet, aujourd’hui, chaque dépositaire gère sa base de destinataires localement. Dans l’avenir, nous allons centraliser le fichier diffuseur afin d’appréhender l’ensemble des prévisions de vente et optimiser les volumes de journaux et magazines remis à chaque point de distribution.
Parallèlement, nous allons nous équiper d’un nouvel outil prévisionnel utilisant de nouvelles technologies d’intelligence artificielle, pour exploiter notamment tout un historique de données. L’idée est d’automatiser tout en optimisant un travail réalisé aujourd’hui manuellement, parfaitement bien dans certains cas, et moins bien dans d’autres. Il est nécessaire de réfléchir plus globalement à ces problématiques de distribution, dans un contexte où la demande de presse diminue progressivement, malgré nos démarches pour élargir la disponibilité de nos journaux dans les grandes et moyennes surfaces, et divers points de vente.
Combien de véhicules sont impliqués dans cette activité de routage ?
Environ 350 à 400 VL et VUL sont exploités par nos dépositaires ; à quoi il faut ajouter 70 VI qui circulent depuis nos centres d’impression de Nantes, Rennes et Angers jusqu’aux dépositaires. En effet, nos circuits d’acheminement sont assez complexes. Nos 46 dépositaires sont souvent alimentés par plusieurs véhicules, au fil des éditions successives de Ouest-France. Le timing est très serré entre les livraisons aux porteurs puis aux diffuseurs. Des camions partent donc tout au long de la nuit entre 23 h et 3h30. L’ensemble du routage doit être clôturé avant 4h du matin.