Le Paquet Mobilité a été proposé en mai 2017 par la Commission européenne. Depuis cette date, les débats ont donné lieu à une bataille entre les pays de l’Ouest, dont la France, la Belgique et l’Allemagne, et ceux d’Europe orientale (Roumanie, Bulgarie, Hongrie, Pologne notamment), accusés depuis toujours de dumping social en obligeant leurs conducteurs à des conditions de travail très dures pour des salaires sans commune mesure avec le temps passé sur les routes. Aujourd’hui, son adoption est pour les transporteurs polonais la « victoire du lobby de pays de l’Ouest ». Leurs homologues roumains déplorent qu’elle « enterre » leur industrie, prévoyant qu’un tiers des opérateurs de leur pays vont disparaître sous l’effet cumulé de la crise due à la Covid et de ces nouvelles règles. Le ministère bulgare des Transports a qualifié de son côté la réforme d’inacceptable et a annoncé dans un communiqué un recours devant la justice européennes contre plusieurs dispositions de la réglementation.
Les transporteurs de l’Est vont devoir repenser leur modèle économique
L’adoption définitive du « paquet mobilité » ne va donc pas calmer les esprits, surtout dans les pays de l’Est européen qui sont pourvoyeurs de transport routier à bas prix et déséquilibre l’écosystème. Mais après trois ans de négociations tendues, l’Union européenne a enfin adopté une réforme clé pour le transport routier visant à améliorer les conditions de travail des chauffeurs, qui ne s’en plaindront pas, et éviter des aspects de concurrence qui n’ont que trop duré. Les pays de l’Est sont vent debout, mais ils devraient rentrer dans le rang et améliorer les conditions de travail de leurs conducteurs.
Parlement Européen tensions Est-Ouest
Les eurodéputés ont approuvé mercredi soir ce « paquet mobilité », en rejetant une série d’amendements, à chaque fois à une large majorité. La réforme porte sur le détachement des conducteurs, leur temps de repos et une limitation du cabotage, c’est-à-dire le fait pour un transporteur d’effectuer plusieurs chargements et déchargements dans un pays où il est arrivé dans le cadre d’une livraison internationale.
Il s’agit de tirer l’Europe des transports vers le haut
Naturellement, les organisations de transport routier de France, d’Allemagne et des pays nordiques (Danemark, Norvège et Suède) se sont félicitées, tout comme la Confédération européenne des syndicats (ETUC). Pour son secrétaire général Per Hilmersson, la réforme « empêchera les entreprises d’obliger les conducteurs à passer des semaines d’affilée et parfois plusieurs mois loin de chez eux. Ces professionnels devraient aussi améliorer leurs salaires et leur protection sociale.» Brice Hortefeux (PPE, droite), membre de la commission des transports au Parlement européen s’est réjoui de ce résultat « Il aura fallu plus de trois ans de débats, mais nous y sommes enfin parvenus » .
Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué chargé des Transports a également réagi dans un communiqué « Il s’agit d’une réelle avancée pour les travailleurs du transport routier qui bénéficieront de conditions de vie et de travail améliorées. Le cadre concurrentiel dans lequel opèrent les entreprises de transport routier sera également plus juste. Les effets de la crise sanitaire ont encore renforcé cette nécessité. L’aboutissement des négociations sur le transport routier confirme le choix d’un marché ouvert et, dans le même temps, d’une Europe qui protège et crée des conditions équilibrées de marché, objectifs que la France défend avec ses partenaires de l’Alliance du routier »
Enfin, les conducteurs seront davantage considérés
De leur côté, les « ultraconservateurs » du groupe CRE ont dénoncé des règles « discriminatoires » qui vont « encore illustrer les divisions » entre les plus riches et les plus pauvres des États membres. Et soulignent l’impact écologique de l’obligation faite aux camions de revenir régulièrement dans leur pays d’origine. Un paquet « nuisible au climat, aux transports et à la reconstruction de l’économie de l’UE après la pandémie » a déclaré Andrzej Adamczyk, ministre polonais des Infrastructures. La Pologne envisage de saisir la Cour de justice de l’UE.
Le fait d’obliger les entreprises de faire rentrer chez eux les conducteurs toutes les trois ou quatre semaine et d’organiser des repos hebdomadaires hors de la cabine du camion ne les arrangent évidemment pas. Les pays concernés mettent en avant les surcoûts financiers, mais aussi la protection de l’environnement. Mais pour les autres pays, qui souffre d’un cabotage excessif, cela doit permettre d’en réduire l’impact.
Les systèmes de contrôle existent
Les nouvelles règles introduisent aussi l’enregistrement des passages de frontières par les tachygraphes. Sur les nouveaux camions, ils sont déjà dotés d’une lecture à distance. D’autre part, il s’agit également de lutter contre les sociétés écran dites « boîtes aux lettres ». les transporteurs souhaitant opérer dans un pays tier devront investir de façon significative. Sinon, les camions devront retourner au siège de l’entreprise toutes les huit semaines. Les règles en matière de détachement des chauffeurs, qui prévoient une rémunération selon les règles du pays où ils roulent, s’appliqueront au cabotage et aux opérations de transport international, avec certaines exceptions, notamment pour le transit.
Les dispositions sur le temps de repos s’appliqueront 20 jours après la publication au journal officiel de l’UE qui aura lieu dans les semaines à venir, tandis que celles sur le détachement et les retours des camions s’appliqueront 18 mois après cette publication. Des directives préparées par la Commission européenne pour clarifier les dispositions de la réforme doivent être publiées à l’automne.
Voici le communiqué officiel