Souvenir … Max Meynier

Max Meynier le 3 février 2005 – Photo © J.Y.Kerbrat

Son seul nom raisonne dans l’univers de la radio et aussi du transport routier. Max Meynier a animé une émission emblématique. Max, je l’avais rencontré à plusieurs reprises lorsque j’étais journaliste au magazine FranceRoutes, la dernière fois le 3 février 2005 . Voici le dernier article que j’avais publié pour lui rendre hommage après son décès le 23 mai 2006.

Article publié dans le magazine FranceRoutes

“Neuilly, 23 Mai 2006, Max Meynier, 68 ans, s’est éteint, emporté par un cancer. La nouvelle, lue d’une voix monocorde par la présentatrice d’un journal télévisé du soir, est assourdissante et laisse un moment l’auditeur incrédule et abasourdi. Pour ceux qui ont connu Max, ceux qui l’ont croisé, ou simplement écouté dans la pénombre de la nuit, c’est un choc et plus encore une déchirure. Cet homme-là tient une grande place dans le cœur des routiers.

Une chose est absolument incroyable, et c’est sans doute un exemple unique pour une personne publique qui avait définitivement arrêté une émission, si populaire soit-elle, en 1986, il y a donc plus de 20 ans, de susciter une telle reconnaissance. Lors de l’émission-hommage que RTL lui a consacré le 24 mai entre 22H00 et minuit, présentée par son complice Georges Lang avec Isabelle Quenin , une idée d’accrocher un ruban noir aux rétroviseurs a été émise. L’animateur a également suggéré à chacun d’aller sur le site « fier d’être routier » afin de signer le livre d’Or ouvert depuis longtemps qui qui prenait d’autant plus d’importance. Et bien, début juin pas moins de 500 personnes avaient laissé des messages de sympathie. Un phénomène, d’autant plus que ceux qui écrivent sont loin d’être tous des routiers. Beaucoup se souviennent qu’au moment de l’adolescence, ils écoutaient Les Routiers sont sympas sur de petits transistors cachés sous l’oreiller, d’autres travaillent aujourd’hui dans des radios et ont attrapé le virus à travers une émission dont l’animateur se défonçait chaque soir durant 3h30, l’émission régulière la plus longue jamais réalisée par la station. Mais la voix chaude de Max et les milliers de témoignages de professionnels diffusés au cours de 3000 émissions ont fait naître bien des vocations. Dans les témoignages des anonymes lus sur le site, beaucoup reconnaissent avoir eu les larmes à l’œil lorsqu’ils ont appris la triste nouvelle, rappelant que s’ils sont aujourd’hui au volant d’un camion, ils le doivent à l’image positive des routiers forgée par cette sacrée émission.

Les débuts difficiles

Max Meynier n’était pas prédestiné au métier d’animateur. Arrivant de Lyon où il aurait pu devenir expert-comptable, il s’installe à Paris avec l’idée de devenir acteur. Suzy, sa jeune épouse, qui lui donnera 3 enfants, l’accompagne. C’est elle qui travaille pendant que Max apprend le théâtre. En 1960, il obtient les 1er prix de comédie moderne et de comédie classique. Ensuite commence une période difficile où il court les petits cachés et fera cent petits boulots. Cela va durer presque 10 ans, lorsqu’il apprend que RTL recherche un animateur. S’il n’est pas retenu, mais reste traîné dans les couloirs, où il sera remarqué par Roger Kreicher, directeur des variétés, un homme d’influence. Max, qui veut réussir coûte que coûte, entend parler d’une marque de pneumatiques qui cherche à toucher les conducteurs. Après multiples discussions, un accord est trouvé. Au début ce sera un format court, une seule demi-heure, car le client n’a pas un gros budget. Max, déjà 34 ans, fou de joie, s’installe la première fois derrière un micro le 8 mai 1972 de 22h30 à 23h00. Il ne le savait pas, mais c’était parti pour 13 ans et plus de 3000 émissions. Les Routiers sont sympas durant 10 ans remplacés ensuite par Fréquence Max jusqu’en 1986. « A partir de ce jour, j’ai été le plus heureux des hommes » se souvenait Max « Je me suis vite rendu compte que je m’adressais à des gens éloignés de chez eux, qui avaient des difficultés à communiquer et je pouvais faire le lien. L’émission devient vite un rendez-vous services. ». Trente-cinq ans en arrière, il n’y avait pas de téléphone partout, le transistor allumé à la maison comme l’autoradio dans la cabine rythmaient la vie. RTL était une station puissante. Avec cette bonne idée d’ouvrir l’antenne aux messages personnels, les professionnels de la route comme leurs familles et leurs patrons ont vite compris le parti qu’ils pouvaient en tirer et cette niche de 30 minutes devient vite étroite. Max sait être à la fois patient et persuasif. En réussissant à gratter quart d’heure après quart d’heure, l’émission la plus courte de RTL est devenue la plus longue pour s’étirer de 20h30 à minuit. Elle devient en même temps un vrai phénomène de société écoutée à la fois par les routiers, mais aussi une très large population de gens seuls, s’étudiants et lycéens qui s’en souviennent aujourd’hui avec émotion.

L’envolée

La nouvelle voix de RTL s’implique complètement dans son métier, au détriment de sa vie de famille et de sa santé. Max fumait beaucoup trop. Il avait aussi du mal à rester en place et rapidement, il quitte le studio de la rue Bayard pour des périples à travers la France, des tours en camions, des soirées dans des restaurants. La première fois qu’on lui a organisé une soirée dans un restaurant du côté de Rambouillet, il avait un peu peur qu’il n’y ait personne. Cette émission a été magnifique, il y avait du monde partout » se souvenait-il « A la fin, il y a un gars très sympa qui m’a proposé de partir avec lui pour le reste de son voyage. Et bien, dès la fin de l’émission, j’ai laissé l’équipe technique et je suis parti pour mon premier voyage en camion. Le lendemain, j’ai repris le train pour Paris ». Les Routiers sont sympas est devenu une émission culte par une précieuse alchimie entre l’enthousiasme d’un jeune animateur qui avait enfin trouvé sa voie et un monde professionnel en manque de reconnaissance qu’il a aidé à faire aimer. L’émission est émaillée par de vrais faits d’arme volontaires ou non. Nous sommes en Août 1975. Qui se souvient de ce routier emprisonné suite à un accident de la circulation ? Max n’a pas hésité un seul instant avant d’ameuter la terre entière et boucle ses valises pour Téhéran et Tabriz pour tirer Gérard Trois, le routier français qui croupit dans les geôles iraniennes. 30 ans déjà, mais pour Max, c’était hier. Un souvenir était encore frais tant l’affaire avait fait du bruit. Il prouva aussi que la solidarité du monde de la route et celle des gens anonymes n’était pas un vaine. En effet, des milliers de personnes envoyèrent de l’argent à la sollicitation de Max. La somme rapportée en surpris plus d’un. Au total plus de 30 millions de centimes. Plus que nécessaire. Le solde servira à en aider beaucoup d’autres. Et puis, il y aura cette incroyable histoire de prise d’otage, la seule qu’une radio ait connu. Le 8 février 1974, Jacques Robert fait irruption dans le studio en pleine émission. Armé d’un pistolet et d’une grenade, il exige que Max lise un message à l’antenne qui dénonce pêle-mêle la corruption, la liberté d’expression, la misère … L’homme est un peu confus mais déterminé. La prise d’otage durera une partie de la nuit et tout fut enregistré. Le document est exceptionnel. Par la suite une certaine amitié, ou tout du moins une compréhension, s’installa entre les deux hommes. Quelques mois plus tard, fraîchement sorti de prison, Jacques Robert, toujours pétri de ses certitudes, détourna un avion d’Air Inter. Max était dans la tour de contrôle d’Orly pour ramener le pirate de l’air à la raison.

L’apogée

L’émission a pris son envol et elle est devenue une valeur sure de RTL. Ma x est une véritable vedette, certainement l’animateur radio le plus célèbre. Son visage, ses larges moustaches, voyageaient sur les milliers de camions en France et bien au-delà. Max aimait rappeler que, lorsqu’ils partaient en vacances, le jeu favori de ses enfants était de compter le nombre d’autocollants à l’arrière des remorques doublées sur la route. Les émissions se suivent et les moments forts s’égrènent. L’émission de ce 24 décembre 1974 est restée dans les annales. Mais laissons parler le père Pierre Calimé qui officiait ce soir-là pour la première fois « Nous étions dans un entrepôt Calberson en construction. Etienne Laurin et son orchestre d’accordéon et la chanteuse Nicoletta étaient au rendez-vous des Routiers sympas. L’émission prenait son élan avec Max Meynier. 300 routiers avec leurs bahuts, 20000 personnes ont fait l’événement. » Max, juché sur une moto émettrice, était allé chercher lui-même les routiers pour les guider jusqu’au rendez-vous. L’entrepôt Calberson du boulevard Ney à Paris a été le port d’attache de l’émission durant plusieurs années. Max cherchait un moyen de se rapprocher de ses protégés. Il le trouve, grâce à Guy Crescent, alors PDG de la société de transport, qu’il rencontra par hasard. Il appela le déménagement de l’émission du centre de Paris jusque sur les boulevards des maréchaux, le transfert des cendres. Un autre souvenir mémorable, certains s’en souviennent encore. Les centaines de conducteurs avaient répondus présents et un convoi de plusieurs kilomètres traversa Paris précédé par des taxis et escorté par Max juché sur une moto ou debout sur le toit d’une voiture émettrice. Un vrai délire. Comme il a aussi la bougeotte, il part sur les routes et s’il ne s’est jamais pris pour un routier, Max s’est mis à leur service. Au moment des grandes grèves des années 80, il ne s’est pas dégonflé. Le blocus des tunnels alpins était total. Ce jour-là, il était parti faire son émission en direct de Chamonix. Il raconte « J’étais baigné dans cette ambiance très lourde et je comprenais bien le profond mécontentement des routiers. En face, il y avait les CRS. Il n’y avait pas de journaliste sur place, et le lendemain matin, le service information de RTL m’a demandé d’intervenir pendant le journal. J’ai dit, sans retenues, ce que j’avais sur le cœur. Je dois vous dire que ça n’a pas été apprécié par la direction. J’ai eu un coup de fil ferme me demandant de rentrer. Le soir, il n’y a pas eu d’émission à Cluze ».

L’incroyable épopée

Ces incidents ne découragent pas Max qui atteint une notoriété incroyable. Ses voyages y sont pour beaucoup, lui qui a parcouru les routes du bout du Monde et en a rapporté des images qui faisaient rêver. La conviction qu’il mettait dans son commentaire permettait à l’auditeur d’être au cœur de l’événement sans avoir besoin d’images. Il le fera vivre, pendant près de 15 jours en septembre 1977, lors d’un voyage de Paris à Djedda en camion. Pierre Gauraz était au volant et lui commentait chaque soir les péripéties de la journée. Ils franchirent 6200 kilomètres, et il réalisa 10 émissions dans des conditions exceptionnelles compte tenu des difficultés de communication de l’époque. Après tant d’événements, tant de moments d’actions, tant de contacts humains, tant d’émissions, il ne fut pas facile d’arrêter, mais Max, tel un coureur de fond, était essoufflé. Après un premier infarctus en 1985, puis un second en 1989 en direct à l’antenne alors qu’il anime le Juste Prix il vivra une première transplantation cardiaque en janvier 1990. Il a 52 ans, grand fumeur, malheureusement il reprendra la cigarette. Fatigué il quitte RTL à contrecœur, mais il reprend le théâtre. La dialyse l’épuise. Entre-temps, il a rencontré Dominique avec qui il a deux enfants, Julie 13 ans et Jérémy 12 ans. Sa famille est une grande joie et une formidable échappatoire à ses problèmes de santé qu’il oublie grâce à l’amour des siens. Dix ans plus tard, mauvaise nouvelle côté rein. La quantité impressionnante de médicaments qu’il doit absorber. L’insuffisance rénale l’oblige à des dialyses à répétition. C’est très dur à vivre. Il est dans sa maison d’Arcachon, lorsqu’il fait un nouvel infarctus. Ce sera Dominique, son épouse, également cardiologue, qui va le sauver. De retour d’urgence à Paris, on lui annonce qu’il doit subir une nouvelle opération à cœur ouvert qui se déroulera le 31 juillet 2002, très risquée, elle se passa bien. Max, après une convalescence, retrouve la chaleur du foyer. Il dira « Le corps humain a des ressources extraordinaires. C’est formidable, on te change une pièce et tu repars ! C’est une renaissance, j’ai retrouvé ma liberté ». En effet, il retrouve son tonus et fait des projets. Quatre années de répit avant cette dernière alerte qui sera fatale. Là aussi, ce sont certainement les mélanges médicamenteux qui ont déclenché le cancer qui a été détecté en avril 2005 et qui vient de l’emporter. Comme tous les grands hommes, il laisse, plus qu’une œuvre, une référence de professionnalisme et de don de soi. Tous les hommes de la route peuvent lui dire merci. Chapeau, l’artiste ! ” Jean-Yves Kerbrat

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Une réponse

  1. Un grand merci pour ces souvenir, moi aussi je l’écoutais sous mon oreiller à 15ans, et 4ans plus tard je prenais le volant après avoir eu mon permis a l’armée.. Et toujours sur les routes.. Une pensée pour max et tt les routiers.. Bonne route, et prenez soins de vous.. Papyboy

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