Drôle de nom. Lorsqu’un projet de réforme s’appelle le « paquet routier », dit aussi « paquet mobilité », il vaut mieux laisser cela aux spécialistes. Enfin, ceux qui savent décrypter chaque piège d’une route européenne semée de mauvaises pratiques. L’OTRE s’est mis au travail et vient de publier une synthèse qui sera aussi un outil de travail remarquable dans les temps à venir, afin de comprendre les enjeux à venir. Ici, il s’agit bien d’avancer. Car l’organisation patronale se dit très inquiète des abus et des fraudes affectant les règles sociales, celles relatives à la sécurité routière, et celles liées au droit du travail dans le secteur du transport routier de marchandises à l’échelle européenne, pratiquées sur le territoire national par certains pavillons étrangers (principalement les pays d’Europe de l’Est et les pays de la péninsule ibérique).
Voici le développement, positions et propositions de l’OTRE.
L’assouplissement des règles actuelles, proposée par la Commission Européenne, qui nous amènent vers une libéralisation du marché, n’est pas envisageable :
– tant que ne seront pas remplies les conditions d’une concurrence saine et équitable avec des règles sociales appropriées dans le secteur du transport routier, en particulier sur le cabotage et le détachement de salariés,
– tant que le principe d’une « rémunération égale pour un travail égal dans un même lieu » ne sera pas assuré.
L’OTRE a donc une appréciation globalement très réservée et voire négative des propositions de la Commission Européenne sur la réforme dite du Paquet Mobilité, car elles ne répondent nullement aux considérants exprimés ci-dessus. La pertinence d’une règle n’a de sens que si son contrôle est effectif et ses abus sanctionnés. Comme le pointait le rapport de diagnostic sur l’évaluation de la « politique publique du contrôle des transports routiers » publié en septembre 2016, qui souligne :
« Si les risques traditionnels, liés particulièrement à la réglementation des transports, à la sécurité routière, ainsi qu’à la réglementation sociale européenne (temps de travail et de conduite) sont globalement bien pris en compte par les différents corps de contrôle, ceux qui relèvent de la concurrence illégale et du dumping social ne le sont pas. Fraude au cabotage et au détachement, dérives de certains véhicules utilitaires légers (VUL) se multiplient tandis que les conditions de vie et de travail d’une partie des conducteurs sont indignes de pays développés. Ce constat d’échec n’est pas dû à l’engagement de l’ensemble des agents chargés des contrôles mais à des problèmes d’organisation et de coordination face aux nouveaux risques, à l’absence de moyens modernes facilitant et simplifiant le contrôle ».
L’OTRE fait donc l’amer constat qu’aucune réponse n’est concrètement apportée à la question de l’efficience des contrôles et donc à la lutte contre la fraude, vecteur de dumping social. Ce constat est un très mauvais signal donné à la profession. Elle permet de douter de la volonté réelle de la Commission Européenne à construire un marché européen des transports routiers sain et équitable.
De plus et sans être exclusif, l’OTRE constate que ces comportements déviants sont encouragés en raison de demandes irréalistes voire fallacieuses des donneurs d’ordre et/ou commissionnaires de transports. Ces demandes sont par ailleurs facilitées par le développement d’offres de transports proposées par des plateformes d’intermédiation, s’appuyant sur les technologies numériques permettant la mise en relation entre un client et un transporteur. Cette activité s’apparente à celle de commissionnaire de transports ; l’’adaptation législative et réglementaire n’ayant pas encore pris en compte ces nouvelles technologies, ces prestataires tentent de se soustraire à l’ensemble des obligations et des responsabilités des commissionnaires.
De plus, ces plateformes prônent le développement du statut d’indépendant sur lequel elles exercent une vraie contrainte, particulièrement en matière de prix de transport. Cette politique de prix, en théorie vertueuse s’appuyant sur des prix calculés à partir d’éléments caractéristiques du chargement, et sur la base d’un coût de revient fourni par le CNR (Comité national routier) s’avère en réalité contestable. En effet, il s’agit le plus souvent de prix manifestement bas s’appuyant sur le sacrosaint et détestable principe des prix de retours ou des compléments de chargement.
Une telle politique de prix :
D’une part, favorise le développement du transport à bas coût au détriment des entreprises qui emploient des salariés formés à un service de qualité dans le respect des règles de sécurité et des règles de santé au travail. Le développement de ces statuts d’indépendants cause une forte concurrence pour les entreprises avec salariés et devient source de destruction d’emplois.
D’autre part, elle s’appuie sur des pavillons étrangers « low-cost » présents sur le territoire national qui le plus souvent ne respectent pas les règles relatives au cabotage.
Enfin, l’OTRE souligne que la Commission Européenne a motivé en partie sa réforme du paquet mobilité sur sa volonté de réduire les émissions de polluants atmosphériques et de CO², ainsi que les nuisances sonores et la congestion dues au transport.
L’OTRE ne peut que partager ce défi de basculement vers une mobilité à faible taux d’émissions de carbone et d’émissions de gaz à effet de serre.
la Pologne met la pression
A ce stade, l’OTRE souhaite rappeler que la profession est rentrée dans de nombreuses démarches visant à améliorer son empreinte Carbonne. Ses actions se sont focalisées à :
– augmenter l’efficience du système de transport par l’accélération de l’utilisation des technologies numériques,
– accélérer le déploiement d’énergies de substitution à faible taux d’émissions et le développement des énergies alternatives GNC, GNL, électricité, biocarburant (modernisation du parc roulant). Les entreprises investissent dans des véhicules roulant au gaz ou au bio méthane carburant,
– accompagner les entreprises dans leur démarche de réduction des émissions via la mise en place d’un dispositif national « Objectif CO2 » qui propose aux entreprises de transport de marchandises et de voyageurs une méthodologie globale et structurante en matière de réduction de Gaz à Effet de Serre (GES) et de polluants atmosphériques. Les entreprises pouvant obtenir un label qui permet en outre d’établir la performance réelle en matière d’émission de CO2 de la flotte de véhicules des transporteurs au moyen d’audits périodiques (vérification de données chiffrées) et d’uniformiser les méthodes et critères d’évaluation,
– encourager les entreprises dans leur développement de l’éco-conduite et de l’éco-entretien.
L’OTRE affirme cependant que cette volonté d’améliorer la santé et les conditions de vie des conducteurs à l’échelle européenne ne doit cependant pas se faire au détriment d’une Profession via la destruction des marchés intérieurs et la perte de compétitivité des pavillons socialement développés au profit des pavillons émergents au social faible.
C’est par ailleurs ce même principe environnemental qui a prévalu à l’application du cabotage afin d’éviter les trajets à vide. Mais la réglementation alors mise en place devait également éviter des mises en concurrence déséquilibrées en matière de prix de revient entre les pays. Cet objectif n’est clairement pas atteint à ce jour.
Ainsi et sous couvert d’un objectif environnemental, l’OTRE ne souhaite pas voir se reproduire les erreurs du passé et leurs effets néfastes en termes de concurrence déloyale
Les utilitaires au coeur de la concurrence déloyale
Les aspects thématiques incontournables pour l’OTRE
La France doit tenir une ligne ferme et déterminée sur ces cinq sujets majeurs :
– Thème n° 1 : le cabotage et son contrôle,
– Thème n° 2 : le détachement de travailleurs salariés et son contrôle,
– Thème n° 3 : les conditions de vie et de travail des conducteurs,
– Thème n° 4 : les véhicules utilitaires légers,
– Thème n° 5 : la tarification des infrastructures.
Le développement des 5 thématiques est à retrouver dans le document ci-joint