Plus lourdes que leurs équivalentes thermiques, les voitures électriques provoqueront un surcoût lors de leur transport lorsque la masse maximale transportable par le camion porte-voitures sera atteinte avant l’occupation de tout l’espace disponible sur ce camion. Ce coût caché est l’une des évolutions induites par l’électrification du parc.
Le seuil symbolique du million de voitures particulières électriques en circulation en France a été atteint en octobre 2022. Alors que le marché du camion électrique tarde à décoller, celui de la voiture électrique est déjà une réalité commerciale et poursuit sa croissance.
Les spécialistes du transport de voitures doivent s’adapter à cette évolution du parc. A l’exception des transports réalisés pour des marques qui ne proposent que des voitures électriques (Tesla), il est encore exceptionnel qu’un porte-voitures ne soit chargé que de voitures électriques. Lorsque cette situation se présente, il faut s’attendre à ne pouvoir embarquer que 10 voitures sur un ensemble routier conçu pour en porter 11. Pourquoi ? Parce que la masse des batteries amène le PTRA ou la résistance de la structure à leurs limites.
L’acheminement du véhicule électrique crée un nouveau marché
A l’IAA 2022, le carrossier Rolfo a présenté une semi-remorque porte-voitures également utilisable pour le transfert de bus électriques. Le transport des bus électriques est une niche de marché promise à un bel avenir si l’on considère non seulement l’électrification des réseaux de transport urbain, mais aussi les distances entre les sites de production de ces bus et leurs lieux d’exploitation.
Le transport de voitures répond à plusieurs besoins. Le plus évident est le transport des véhicules neufs (VN) depuis leur usine jusqu’à un centre logistique d’où ils seront à nouveau acheminés vers leurs clients finaux. La « relocalisation » des voitures de location selon les saisons ou après des « allers simples » suscite également un besoin. Enfin, les véhicules d’occasion (VO) nécessitent des organisations spécifiques.
Parmi les principaux acteurs du transport de voitures, on trouve CAT (Compagnie d’Affrètement et de Transport cédée par Renault à Albateam en 2001), GCA (Groupe Charles André) ou CEVA Logistics (anciennement Gefco, acquis pas CMA CGM en 2022). L’une des caractéristiques des spécialistes du transport de voitures est l’enrichissement du transport par des prestations complémentaires. Selon les besoins du donneur d’ordres, le stockage, la préparation complète du véhicule, sa transformation ou son équipement sont assurés par le transporteur. Il s’agit par exemple de monter des bennes sur des véhicules utilitaires légers. Du côté des VO, leur rénovation précède leur recommercialisation. GCA dispose dans ce but d’une « usine » de remarketing VO à Corbas. L’arrivée de portiques d’inspection ProovStation chez GCA témoigne de l’industrialisation de la filière VO.
Un véhicule, ce sont aussi ses pièces détachées
Bien que CEVA Logistics se spécialise dans la logistique des véhicules finis (FVL), Gefco, dont CEVA Logistics est issu, couvrait à la fois la FVL et le transport des pièces détachées comme le font plusieurs grands noms du transport automobile. L’électrification du parc est une opportunité pour les groupes déjà actifs dans le domaine des matières dangereuses puisque les batteries entrent dans cette catégorie.
Malgré les annonces politiques et les décisions européennes, l’électrification du parc automobile va se heurter au manque de matières premières. Celles-ci existent dans le sous-sol, mais les mines nécessaires n’ont pas encore été ouvertes. L’impact environnemental réel de ces extractions pourrait dissuader d’électrifier intégralement la production automobile. L’arrêt de la production automobile traditionnelle en 2035 pourrait donc être reconsidéré.
Pour les transporteurs de VN, deux constats s’imposent. Le premier est la délocalisation massive de la production provoquant la chute vertigineuse du nombre de voitures produites en France. Le second est la baisse du nombre total de voitures produites en Europe. En conséquence, il y a moins de voitures à transporter, mais elles le sont sur de plus longues distances. Au passage, on ne peut que remarquer la position prépondérante des lituaniens pour le transport de voitures.
Des ateliers intégrés pour des matériels spécifiques
Les porte-voitures sont des véhicules spécifiques. Les réseaux des constructeurs de camions ne disposent pas de véhicules de remplacement à prêter en cas d’immobilisation. C’est pourquoi les transporteurs spécialisés se dotent d’un atelier intégré capable d’entretenir châssis et carrosseries.
Il est fréquent qu’un porte-voitures fasse toute sa carrière chez le même transporteur et atteigne un million de kilomètres parcourus en un peu moins de dix ans. Pour le chauffeur de ce genre de camions, les conditions de travail et de repos sont généralement contraintes par une cabine nécessairement basse puisque la recherche de rentabilité incite à charger une voiture au-dessus de la cabine.
Transporter des voitures est un travail de spécialistes, ne serait-ce que pour la détermination de leur ordre de chargement qui est une espèce de Tetris. Les entreprises présentes dans ce secteur doivent être à la fois réactives, adaptables aux demandes de leurs clients tout en leur apportant la traçabilité aujourd’hui exigée.