Intralogistique : quelles technologies pour automatiser l’entrepôt ?

(paru dans TRM Le Guide n°7)

En progression dans l’entrepôt, l’automatisation via les AGV, AMR et robots collaboratifs répond aux enjeux de gain de productivité, de réduction de la pénibilité et même de distanciation sociale. Quels avantages et contraintes apportent ces technologies en devenir ?

Déjà utilisés dans l’industrie ou dans les grands sites logistiques depuis une dizaine d’année, les convoyeurs mécanisés, les engins et chariots de manutention automatisés ou même les robots autonomes se répandent progressivement dans les entrepôts. Les équipementiers et fournisseurs de systèmes de manutention font évoluer leurs gammes de véhicules en intégrant la connectivité et l’automatisation. Ils sont concurrencés par des startups de la robotique qui développent leurs propres engins autonomes (AGV) à destination de la logistique e-commerce notamment. Le marché foisonne, les prix baissent et l’intégration technique des systèmes automatisés est facilité par les progrès des réseaux Wifi, 4G et bientôt 5G. Les éditeurs de solutions WMS de gestion de l’entrepôt intègrent également de nouveaux modules ou interfacent leurs outils avec les logiciels WCS de gestion des systèmes automatisés. De plus en plus de transporteurs ont ainsi accès à ces technologies qui pallient la pénurie de main d’œuvre dans les métiers de la manutention, fonctionnent 24h/24 7/7 jours et sont de plus en plus fiables et pérennes. L’automatisation est ainsi une tendance de fond, prochainement accentuée par la crise économique avec une possible relocalisation des usines et sites logistiques en France et de nouvelles contraintes sanitaires à gérer dans les entrepôts.

Les chariots s’automatisent

Parmi les systèmes intralogistiques automatisés, les AGV sont les plus accessibles aux transporteurs. Il s’agit de versions autonomes des chariots utilisés pour la manutention des charges et la préparation des commandes. Ces véhicules à guidage automatique (AGV) viennent remplacer les traditionnels chariots de l’entrepôt qui ne sont plus conduits par des opérateurs mais téléguidés par le système d’information. Pour simplifier il faut imaginer les véhicules habituels de l’entrepôt, de type chariot frontal, gerbeur, élévateur, tracteur, convoyeur, mais sans conducteur. Ils embarquent un pack d’automatisation, c’est-à-dire un système informatique de connectivité, ainsi que des capteurs et radars qui assurent leur déplacement autonome sans intervention humaine. Ces AGV sont capables de porter de lourdes charges (jusqu’à 8 tonnes) et de prendre les palettes à l’arrière du camion ou dans les allées et racks de l’entrepôt pour les apporter aux préparateurs de commande ou sur les quais de chargement. Ils se déplacent par filoguidage et optoguidage (lecture de bande magnétique ou de piste colorée au sol) à l’aide de laser avec réflecteur, caméra et détecteur ou par géoguidage (GPS). Ils détectent la présence d’obstacles, de piétons ou d’autres AGV et adaptent automatiquement leur comportement en s’arrêtant ou en les contournant. Avec l’association de l’IoT à l’IA auto-apprenante, les chariots autonomes sont plus performants. Certains AGV avancés peuvent, par exemple, explorer de nouveaux environnements, créer leurs propres cartes et calculer les itinéraires. A l’avenir, la 5G ultra-puissante devrait lever les barrières de déploiement de chariot autonomes dans certaines zones de l’entrepôt ou lorsque des murs de palettes de bouteille d’eau, par exemple, bloquent le wifi. « Le 5G va permettre d’aller plus vite pour échanger de machine à machine. Demain, les chariots communiqueront directement entre eux, par exemple pour dire attention dans telle zone ça bouche », confirme Yannick Antoine, directeur opérationnel logistics solutions chez Toyota Material Handling France. Le marché, déjà prospère, devrait connaître une croissance de 10,8 % jusqu’en 2026 et générer plus de 3,64 milliards de dollars selon Research and Markets. Cumulé avec celui des AMR, le marché pourrait atteindre 10 milliards de dollars d’ici 6 ans. « Près de la moitié de nos clients veulent automatiser à l’avenir », confie Eric Deffontaines, responsable AGV de Jungheinrich.

Les avantages des AGV

Comme tout système d’automatisation intralogistique, les AGV améliorent la productivité en effectuant les tâches de manutention répétitives à forte pénibilité 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 afin de permettre aux opérateurs de se concentrer sur les tâches à plus forte valeur ajoutée. Ils réduisent les coûts des ressources humaines, principalement pour les activités nocturnes et étendent les plages de travail des entrepôts. De plus en plus précis grâce aux développements technologiques de capteurs et systèmes de détection puis de contournement d’obstacles, les AGV permettent également de réduire autant les accidents corporels que les dommages sur les marchandises. Ils réduisent les parcours pédestres effectués par les préparateurs ainsi que la plupart des troubles musculo-squelettiques liés aux tâches répétitives de manutention. Les AGV peuvent aussi opérer dans des zones difficiles d’accès aux humains en raison par exemple de températures extrêmes ou de matériaux dangereux. Les fabricants cherchent à rendre les engins plus compacts et maniables, ce qui permet notamment aux petits entrepôts de réduire la taille des allées et ainsi de gagner en surface de stockage.

Les AMR, robots, cobots

Sous l’impulsion des géants du e-commerce et de leurs entrepôts 100% automatisés ou presque, les technologies robotiques viennent désormais remplacer les équipements manuels pour la préparation des commandes. On parle de robots mobiles autonomes (AMR), de cobots (robots collaboratifs) ou d’exosquelettes et de bras robotisés. Les AMR sont capables de suivre un préparateur ou de se déplacer de façon presque erratique dans l’entrepôt. On utilise plutôt un AMR pour la préparation de commande, pour du bac, de petites charges tandis que les AGV restent privilégiés pour la manutention en palettes de lourdes charges. Les AMR présentent moins de contraintes opérationnelles que les AGV puisqu’ils sont plus petits, plus légers, plus simples à déployer car moins complexes : pas de fourches, pas de grandes hauteur, pas de prise au sol ou en rack. Les robots offrent une grande flexibilité sur les tâches horizontales et s’affranchissent de l’infrastructure IT existante via une gestion en mode SaaS et Cloud. L’usage des cobots se répand aussi dans les entrepôts pour la préparation des commandes, les inventaires ou pour la surveillance. On parle de bras robotisés commandés par un manutentionnaire permettant de charger des bacs ou des produits volumineux. De drones volants ou roulants, équipés de caméras et de capteurs qui identifient les marchandises pour réaliser plus facilement les inventaires ou, comme le ferait une mini sentinelle, pour surveiller l’entrepôt inoccupé et alerter en cas d’intrusion. Ces mêmes cobots qui circulent dans les travées des entrepôts peuvent aussi servir à mesurer la température, l’humidité ambiante ou la luminosité, en lien avec le système de contrôle de la ventilation ou de l’éclairage par exemple.

Moins d’effort et plus de productivité

Les cobots apportent plus de souplesse à l’entrepôt qui peut semi-automatiser un certains nombre de tâches. Ils sont une aide au salarié pour réduire la pénibilité de son travail. Cela peut consister à manutentionner sans effort un objet lourd, en évitant les chocs, ou à tenir un outil en absorbant les efforts et les vibrations. Ou encore présenter la bonne pièce, au bon endroit et au bon moment, à l’opérateur de picking qui gagne en productivité. Avec par exemple un drone pour réaliser un inventaire physique, les personnels n’ont plus besoin de se déplacer pour scanner les étiquettes. L’opération peut être automatisée afin de remplacer les inventaires tournants par des inventaires quotidiens et de gérer finement les stocks dans l’entrepôt. Les fournisseurs argumentent en faveur de cette optimisation de la performance qui libère les personnels de tâches à faible valeur ajoutée pour mieux se concentrer sur la qualité de service.

Des freins économiques et technologiques

Malgré la forte tendance à l’automatisation, renforcée par les enjeux de productivité, de proximité logistique et sociaux-professionnels de la crise du Covid-19, des freins ralentissent encore leur propagation chez les transporteurs. Le prix d’un petit gerbeur de palettes automatique démarre à 50 000 ou 60 000 euros. Un AGV frontal coûte le double, et un convoyeur embarqué, environ 70 000 euros. Des tarifs nettement supérieurs à ceux d’engins manuels ! Il faut ensuite adapter l’infrastructure IT de l’entreprise, équiper l’entrepôt en capteurs, système de marquage, borne de communication, bouton de commandes. Et interfacer les automates avec le système d’information, via le WMS ou le WCS, pour superviser les engins autonomes et leurs différentes tâches en fonction du volume d’activité. Les éditeurs et intégrateurs ont pour la plupart ajouté un brique d’automatisation à leurs offres logicielles afin de faciliter l’intégration d’engins autonomes dans le système d’information de l’entrepôt.

 
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