Gefco : une nouvelle optimisation du plan de transport

Gefco France a entrepris l’an dernier une refonte du plan de transport de son activité “messagerie nationale”. Entretien croisé avec Emmanuel Kesler, directeur transport de marchandises et logistique de Gefco France et son prestataire Ronan Bars, directeur général d’Eurodécision, expert en optimisation de la supply chain.

 

TRM Le Guide : En janvier 2019, vous avez fait appel à Eurodécision pour procéder à l’optimisation du plan de transport de votre réseau de messagerie, après une première réorganisation réalisée en 2013. En préambule, avez-vous pu chiffrer les résultats de ce premier travail ?

Emmanuel Kesler : Suite à une première collaboration avec Eurodécision, Gefco a économisé 2 M€ sur son plan annuel de transport – grâce à la réduction du nombre de camions sur les routes, mais sans fermer d’agences, au nombre de 36. Côté délais, la part du tonnage en 24h a augmenté de 50%, passant de 56 à 79%. En diminuant le coût de notre plan de transport tout en augmentant le taux de service, nous avons pu gagner en rentabilité. En d’autres termes, nous avons réduit de 11% le nombre de kilomètres parcourus, correspondant à 5,2 millions de kilomètres par an, soit une réduction des émissions de CO2 comprise entre 3 000 et 4 000 tonnes.

La refonte a donc été globale, et les gains, massifs. Le plan existant (900 tractions par jour à l’époque) était jusqu’alors décentralisé, orienté sur la recherche d’optimisation à l’échelle des agences locales. Précisons que nous parlons ici de l’activité de Gefco relative au groupage, qui s’est développée d’abord pour notre client PSA avant d’être étendue à d’autres constructeurs et équipementiers automobiles et aéronautiques notamment. Le réseau de messagerie couvre aujourd’hui divers secteurs industriels et de consommation courante.

 

« La refonte a été globale, et les gains, massifs »

 

Sur le métier vous avez donc remis votre ouvrage, dans quel dessein cette fois-ci ?

EK : Plus qu’une nouvelle optimisation, nous avions ici un objectif qualitatif : vérifier la fiabilité de nos délais et les améliorer. Il s’agissait de trouver le bon compromis entre le taux livré à J+1, et le coût du plan de transport. Ce travail nous a pris quatre mois. Notre nouveau plan a été mis en œuvre en juin 2019. Dès le mois de septembre, nous avons pu mesurer les progrès accomplis. D’ores et déjà, nous avons économisé environ 5 % sur le montant des achats. Nous avons légèrement amélioré nos délais. Mais surtout, nous avons pu constituer une “carte de délais” plus fiable. En effet, nous fournissons à nos clients une représentation cartographique des départements que nous pouvons livrer sous 24 h, 48 h, ou 72 h. Dans nos appels d’offres, nous pouvons ainsi déclarer une qualité de prestations plus réaliste. La robustesse du plan est essentielle. Les transits au sein des hubs doivent être calculés au plus juste. Tout se passe entre 19h et 6h h du matin.

 

Peut-on détailler ce que représente ce gain économique de 5 % ?

EK : Précisons que le plan de transport représente un tiers de nos achats de transport – le reste étant du camionnage. Ces 5 % représentent donc une économie sur le prix moyen payé pour transporter 100 kg de marchandises. Le gain fluctue en fonction de nos volumes, d’un mois sur l’autre. Autrement dit, si nous transportons davantage de marchandises avec les mêmes moyens, ce ratio diminue. Et si nous baissons en volume, il augmente.

L’objectif est d’optimiser nos moyens avec un portefeuille de clients existants. Mais ce gain apporte une souplesse qui nous permet aussi de développer notre business. C’est la beauté de la messagerie ! Les volumes ne cessent de fluctuer, selon la saisonnalité mais aussi la croissance de nos clients.

 

« Le réseau domestique représente 360 tractions »

 

Pour entrer un peu dans le détail informatique, Eurodécision vous fournit un modèle mathématique permettant de construire un plan de transport de messagerie en tenant compte de la demande, de la localisation des sites, de leur typologie, et de multiples autres paramètres nationaux ou régionaux. Est-ce un modèle figé pour plusieurs mois, plusieurs années ?

EK : Non. Si nos lignes sont régulières, elles peuvent rapidement évoluer en fonction de l’activité de nos clients. L’intérêt d’un outil comme celui d’Eurodécision est de pouvoir ajuster notre plan en fonction des évolutions hebdomadaires ou mensuelles. En septembre 2019 par exemple, nous avons intégré de nouveaux clients, certains flux ont triplé… nécessitant une relance de l’optimisation globale du plan. Nous pouvons également revoir uniquement un extrait du plan au niveau local, si une agence gagne un contrat.

Ronan Bars : Un point important : en amont de la construction d’un nouveau plan de transport, nous avons pris soin d’intégrer toutes les agences dans la réflexion, afin de parler le même vocabulaire, et de prendre en compte les contraintes locales. En effet, chaque exploitation est susceptible de négocier un horaire particulier de prise en charge pour un client. Nous avons donc engagé en amont une série de rendez-vous avec les responsables de sites. La communication autour de l’outil est importante pour que chacun ait confiance dans le modèle. Les résultats doivent être présentés sous une forme intelligible, simples. De plus la personne responsable du plan de transport au niveau national doit coordonner tous les acteurs, ce rôle est fondamental, nous avons eu de la chance de pouvoir travailler avec Stéphanie Rahni, qui connait parfaitement le métier de la messagerie et les contraintes opérationnelles.

EK : Chacun apprécie le plan de transport à l’aune de son agence. On ne peut pas construire un plan de transport sans l’adhésion des forces locales. Un modèle n’est pas que mathématique. Il doit se préoccuper de l’utilisateur final. Si l’outil n’est pas accepté, il ne sert à rien. D’où des discussions, des compromis. Dans certains cas, nous pouvons accepter que l’optimum ne soit pas atteint, pour satisfaire un client majeur.

 

 

Quel est le périmètre de votre plan de transport, français, européen ?

EK : Eurodécision a travaillé uniquement sur le réseau domestique, qui représente quelque 360 tractions. Un autre plan international se compose de 20 à 25 tractions de la France vers d’autres pays. Mais ce dernier a été optimisé à part.

 

De quels moyens de transport disposez-vous pour cette activité de messagerie nationale ?

EK : Nous détenons environ 455 semi-remorques, dont 255 à double plancher. Selon les cas, nous achetons donc une simple traction, ou nous louons des ensembles complets avec conducteur. En aucun cas, Gefco n’emploie ses propres conducteurs.

RB : En revanche, notre modélisation implique nécessairement des données sociales, la législation du transport, les pauses réglementaires, les vitesses des différents réseaux routiers, les axes interdits, etc. À défaut, notre plan ne serait pas opérable. Les données que nous utilisons (distance par kilomètre, temps de parcours) sont liées au type de moyens. Elles nous sont fournies par Here, et retraitées par notre partenaire BeNomad – une société d’ingénierie cartographique niçoise avec laquelle nous travaillons depuis plus de 10 ans.

 

Combien de sous-traitants employez-vous ?

EK : Environ 300 pour la messagerie. Et plusieurs milliers, si l’on considère à la fois la messagerie et le lot.

Sur le plan de la traçabilité, comment procédez-vous ?

EK : Toutes nos semi-remorques sont équipées de boîtiers connectés. Une solution de la société Everysens basée sur l’IoT et le Big Data permettant de suivre et de localiser notre parc de remorques en temps réel. Nous visons avec cette solution l’optimisation de nos moyens. Et en premier lieu, savoir où se trouvent nos véhicules ! Car une semi-remorque, ça peut se perdre ! La géolocalisation nous permet aussi d’optimiser la maintenance.

 

« Nous détenons 455 semi-remorques, dont 255 à double plancher, toutes équipées de boîtiers connectés »

 

Le plan de transport est une brique essentielle du logiciel de transport. Quelle TMS utilisez-vous ?

EK : Un logiciel maison qui répond bien à nos besoins en termes de fonctionnalités. Même si nous voudrions améliorer la fluidité des échanges d’informations, les temps de traitement. Comme c’est un produit spécifique, chaque interface avec un client ou un partenaire demande des développements. Il n’est pas toujours facile d’obtenir une automatisation des transmissions des preuves de livraison. Bref, aucun logiciel n’est parfait, mais nous n’envisageons pas d’en changer à moyen terme, car c’est un processus fastidieux, très onéreux.

 

Pour sortir un peu de la messagerie, comment organisez-vous vos tournées de distribution sur le plan informatique ?

EK : Pour planifier nos tournées, nous utilisons le logiciel Cadis de Kratzer. Nous avons acquis un module d’optimisation des itinéraires de tournées figées, Winroute, pour l’instant sans module de cartographie ou de transmission au personnel roulant. Nous prévoyons de faire évoluer le dispositif pour pouvoir envoyer des feuilles de route aux conducteurs sur leur smartphone. Nous envisageons également d’acquérir un module d’optimisation de tournées, de manière à rationaliser la réalisation d’un ensemble de positions dans des milieux denses, autour des agglomérations.

 

Pour finir, un point d’actualité qui touche à une autre problématique de transport. En juillet 2019, vous avez acquis la plateforme Chronotruck. Pour quelles raisons ?

EK : Gefco avait décidé de proposer des services digitalisés, et donc de se doter d’une plateforme de ce type. Nous aurions pu la développer nous-mêmes, mais nous avons préféré reprendre un acteur déjà installé, avec lequel nous avions déjà noué une relation de confiance.

 

 

Comment fonctionne cette solution ?

EK : Chronotruck, c’est la mise en relation immédiate d’un client et d’un transporteur. C’est un logiciel adapté au transport de lots, pas à la messagerie. En référence au sujet précédent, nous ne sommes pas dans une logique de plan de transports préétablis, ni de lignes régulières, mais de spot.

Comment ça marche ? On saisit un ensemble de paramètres liés à une marchandise et un trajet à effectuer. Sur cette base, l’outil de “costing” définit un prix, calculé en fonction d’un historique de frets déjà réalisés à tels tarifs. Il s’agit de machine learning : plus la base de données est vaste, plus le moteur est performant pour trouver le prix adéquat. En conséquence, la proposition est envoyée à un panel de transporteurs enregistrés, susceptibles de répondre à l’offre.

Au-delà de l’apport financier, nous fournissons à Chronotruck un panel de transporteurs fiables, une longue expérience de prix d’achat, des clients ayant des besoins de transport spot, et des affréteurs expérimentés, sur l’ensemble de l’Hexagone. En résumé, Gefco apporte un solide savoir-faire dans la gestion logistique, tandis que Chronotruck apporte connaissance numérique et technique.

Texte et photo WM

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