Dématérialiser les documents du transport au-delà de l’eCMR

La dématérialisation des documents du transport est un vaste chantier en cours. Malgré les offres pionnières de certains prestataires, ce pan de la transformation numérique du transport routier de marchandises (TRM) se heurte au manque de normes et à la lenteur de certains chantiers déjà engagés, notamment celui de l’eFTI.

Actuellement, la dématérialisation des documents du TRM est limitée au remplacement des disques de chronotrachygraphes par les fichiers C1B (conducteur) et V1B (véhicules), et à la lettre de voiture électronique (eCMR). La généralisation de la facturation électronique dans les transactions entre assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée et à la transmission des données de transaction (ordonnance n°2021-1190 du 15 septembre 2021) n’est pas réservée aux entreprises du TRM, mais elle a pour elles des conséquences spécifiques. Olga Alexandrova, directrice déléguée en charge du transport routier de marchandises de l’union TLF, rappelle que le paiement des transporteurs par leurs chargeurs est subordonné à l’envoi des bons de livraison. L’une des questions en suspens est donc la possibilité d’associations claires entre factures électroniques et bons de livraisons. En cas de litige, il est courant qu’un acteur de la chaîne logistique bloque le paiement des factures. La facturation électronique permettra à l’administration de connaître les délais de règlement réels et de vérifier que le délai de trente jours est respecté (article L441-10 du code du commerce). La mise en place de la facturation électronique va nécessiter des développements spécifiques interfacés avec l’informatique en place chez les transporteurs. Elle imposera l’informatisation aux transporteurs qui n’ont pas encore amorcé leur virage numérique.

eCMR, une affaire de prestataire

Le transport international de marchandises par route est l’objet de la convention CMR des Nations Unies, ratifiée depuis 1956 par une cinquantaine de pays (Afrique du Nord, Asie Centrale, Europe, Moyen-Orient). La lettre de voiture nationale ou internationale (« CMR ») est le seul document obligatoire pour les opérations de transport. Elle atteste du contrat de transport entre un « chargeur » et un transporteur. Ce document est encore principalement émis et utilisé sous forme papier.

Depuis 2018 l’UN/CEFACT (« facilitation des procédures commerciales et commerce électronique » des Nations Unies) a publié un standard technologique pour la création de lettres de voiture électronique (eCMR). Il décrit les champs de données que doit contenir la lettre de voiture dématérialisée. En pratique, il est nécessaire que tous les acteurs de la chaîne logistique soient en mesure d’utiliser les services d’un même prestataire de dématérialisation (Dashdoc, TransFollow, etc.) pour que l’eCMR fonctionne. L’interopérabilité entre tous les prestataires d’eCMR n’est pas encore assurée à ce jour, mais le programme iShare (i4Trust) y travaille. L’intérêt des plateformes de gestion d’eCMR est augmenté par l’échange de données (EDI) qu’elles permettent avec les télématiques, les TMS, etc.

eFTI, un chantier au ralenti

Bon de livraison, liste de colisage, documents liés à un type particulier de marchandises (matières dangereuses, produits frais, etc.) ou certificat de nettoyage des citernes comptent parmi la cinquantaine de documents possiblement liés à un transport. Pour les dématérialiser, il est souhaitable de s’accorder sur un modèle de données commun. Le modèle MMTRDM (Multi Modal Transport Reference Data Model) de l’UN/CEFACT est l’un d’eux. Fondé sur les étapes achat, acheminement et paiement d’un transport, il réunit les messages qui permettent de traiter la dématérialisation. Il faut ensuite faire communiquer les systèmes entre eux.

Conformément au règlement (UE) 2020/1056 du Parlement européen, les forces de l’ordre des pays de l’UE devront accepter les formes dématérialisées des documents du transport lors des contrôles. Dans ce but, ce règlement met en place eFTI (electronic Freight Transportation Information). L’eFTI nécessite la mise en place de plateformes sécurisées pour l’échange et le stockage d’informations normalisées. A ce jour, le chantier de l’eFTI semble plus que ralenti.

Accélératrice de facturation et créatrice de traçabilité, la dématérialisation et ses corollaires (blockchain) contribueraient à optimiser le TRM. L’un des freins à la dématérialisation est l’extrême hétérogénéité des acteurs du monde du transport et l’apparent manque de moyens consacrés à la création de normes européennes.

Crédit photo : Loïc Fieux

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