La carrosserie industrielle en première ligne

LIBNER et CARFAR portraits de deux entreprises au cœur de la crise … et l’analyse de Patrick Cholton

De nombreux ateliers accueillent à nouveau des compagnons. Avant cela, chaque entreprise a entrepris une large réflexion avec les salariés tous volontaires, tous heureux de sortir du confinement et de leur canapé mais aussi, pour le patron, une introspection nécessaire pour se projeter vers un futur incertain.

« Dans ces moments si difficiles, la Fédération Française de Carrosserie soutient pleinement ses adhérents et plus largement toute une filière qui est en première ligne, nous le constatons tous les jours, tellement indispensable à notre économie. Nous apportons à nos adhérents tous les conseils nécessaires afin que les chefs d’entreprise puissent prendre les bonnes décisions pour aujourd’hui et demain. » insiste Patrick Cholton, président de la FFC. Les véhicules que l’on voit le plus actuellement, ce sont des frigos, des ambulances, des fourgons, des B.O.M . Ils permettent au pays de rester debout.

Patrick Cholton

La FFC représente trois branches industrielles qui avancent main dans la main. Il y a une grande solidarité au sein de cette Fédération. Mais tout n’est pas simple à commencer par des problèmes d’approvisionnement « Il s’agit là d’un problème majeur avec des équipements et pièces qui viennent de Chine, d’Italie ou d’autres pays européens où l’industrie est à l’arrêt. Le retour à la normale sera long. Comme cela commence à se dire avec insistance, il faudra songer à reprendre la main, en France, sur certaines fabrications stratégiques » prévient Patrick Cholton.

LIBNER une mission de service public

Une partie des carrossiers industriels, comme des équipementiers, sont désormais au travail après une fermeture plus ou moins longue en fonction de l’organisation à mettre en place. Prenons deux exemples parmi les entreprises familiales historiques qui sont très nombreuses en France.

François Libner devant une carrosserie transport de déchets hospitaliers

La carrosserie industrielle Libner à Saint-Maixent l’Ecole (79) a été fondé en 1965 par Joseph, trop tôt disparu, un homme qui a marqué la profession. Il fut également Président de la Fédération Française de Carrosserie. Il avait confié les rênes de l’entreprise familiale à son fils François-Joseph qui l’a davantage développé. Ce patron a dû affronter en 2019 l’incendie d’une partie des locaux dédiés à la construction des carrosseries sur poids lourds. Ce fut un drame, mais l’entreprise s’en est relevée grâce à une équipe particulièrement soudée et compétente. Alors, l’épisode suivant d’une crise sanitaire mondiale sans précédent devrait être digéré avec la même dynamique managériale. La seconde semaine d’Avril, la production a repris avec 80% de l’effectif qui ont réinvesti les ateliers fermés depuis le 17 mars.

LIBNER “le gouvernement doit être plus précis”

Ce lundi matin, la reprise s’est faite sur la base du volontariat et 140 salariés sur un effectif habituel de 200 personnes ont rejoint leur poste de travail. Lorsque c’est possible, d’autres sont en télétravail depuis leur domicile. Il n’y a pas de contrainte. « La décision de relancer l’activité n’a pas été facile à prendre. Evidemment, pour les compagnons, il est impossible de reprendre l’activité ailleurs que dans les ateliers. Alors, nous avons organisé une réunion d’information afin que chacun soit informé des principes de gestes barrières et de la distanciation sociale. Nous avons distribué des kits de protection, masques et gel hydroalcoolique. Les règles d’hygiène sont affichées et rappelées autant que nécessaire. » détaille François Libner qui juge les informations émanant du gouvernement souvent contradictoire et complexes lorsque « Le ministère du Travail nous dit de travailler et le ministère de la santé, nous dit de rester à la maison, c’est ambigu pour nous. »

LIBNER protection et distanciation

Mais, les salariés sont contents de reprendre le travail plutôt que de rester à la maison. « Nous avons des commandes spécifiques et prioritaires comme ces véhicules dédiés au transport des déchets hospitaliers. Cela m’a motivé à faire tous les efforts pour rouvrir. Nous avons une forte demande et les clients ont besoin de ce type de camions dont nous maitrisons parfaitement la réalisation. » se félicite François Libner. Une cinquantaine de ces véhicules ont été commandés.

REPORTAGE FRANCE 3

A l’heure actuelle, les conséquences économiques de ces trois semaines d’arrêt ont été minimisées avec une chute du chiffre d’affaires de 10% environ. Le carnet de commandes est plein jusqu’en septembre mais le carrossier industriel redoute les mois à venir et la crise économique annoncée. « Nous pouvions tenir encore mais qu’en sera-t-il après. S’arrêter c’est facile mais relancer l’activité c’est plus difficile. Cela me fait peur. L’ensemble de nos clients transporteurs a une activité autour de 50%. Cela ne leur donnera sans doute pas la possibilité d’investir rapidement » s’inquiète François Libner qui s’attend à une baisse du carnet de commandes pour le deuxième semestre 2020. Une raison de plus pour reprendre le travail. Il ajoute « Si j’avais continué à dire « on reste chez nous » ce n’était plus en centaines de milliers d’euros qu’on aurait compté en pertes. Si on s’arrêtait jusqu’en mai cela représenterait plusieurs millions d’euros. »

Séverine Vermandé, tenue claire, au centre

CARFAR face aux problèmes d’approvisionnement

En Lorraine, CARFAR est installé à Neufchâteau (88). L’entreprise familiale est née en 1987. Le patron fondateur, Patrick Vermandé, était arrivé en1970 pour un stage d’été. Il y restera et finira par reprendre définitivement l’affaire. Aujourd’hui, sa fille, Séverine Vermandé, présidente de Carfar et Neorali assure la direction de la holding. C’est elle qui a pris la décision de réouverture des ateliers après le recueil de toutes les informations nécessaires et l’étude des possibilités de faire travailler chaque salarié sur des postes de travail sécurisés et séparés. En effet, dans ces métiers, les opérateurs doivent s’entraider lors du montage d’éléments. « L’idée de départ était de reprendre 25% de la production avec 25 personnes au maximum. Nous avons alors repensé les postes de travail, la circulation dans l’atelier avec un marquage au sol, des gestes barrières respectés. Nous avons aussi la possibilité, si nécessaire de prendre la température des collaborateurs à distance » énumère Séverine Vermandé qui a fait valider les préconisations avec un objectif de moyen.

CARFAR réorganisation de l’atelier

Toutefois, malgré cette bonne volonté, la grosse difficulté reste l’approvisionnement autant en matières premières pour la réalisation des bennes et des mobilier spécifiques pour les véhicules spéciaux, ainsi que la disponibilité des véhicules eux-mêmes qui sont sur les parcs des constructeurs … ou même pas encore sortis des usines qui ont interrompu leur production partout en Europe. « Nous réalisons les travaux en cours alors que le bureau d’étude travaille sur des nouveautés dont nous attendons beaucoup lorsque l’économie repartira. Nos commerciaux préparent le futur en entretenant les contacts avec nos clients et prospects. Aujourd’hui, nous sommes dans le cas inconnu de l’entonnoir à l’envers à devoir restreindre notre potentiel » s’agace la dirigeante qui à beaucoup inverti dans des machines numériques qui doivent permettre d’augmenter la production … lorsque les moyens d’action seront revenus. Les projets ne manquent pas, reste l’incertitude du lendemain.

CARFAR informations et moyens

CARFAR les relations humaines privilégiées

Dans cette période stressante pour un chef d’entreprise, le facteur humain est primordial. Séverine Vermandé, très investie, se félicite « Tous nos salariés présents sont très contents de venir travailler. Avant cette reprise, nous gardions le contact. Je les appelais. Tous nous assuraient de leur attachement à l’entreprise et le fait qu’ils attendaient avec impatience de reprendre l’activité. Pour moi, cet aspect humain est primordial et parfois, à la fin d’une conversation, j’en avais les larmes aux yeux »

CARFAR compte sur les constucteurs pour livrer des véhicules à carrosser …

FFC en appelle à l’Etat

Dans son rôle de gardien du temple, Patrick Cholton, optimiste, annonce « Tout le monde est prêt à reprendre » … mais avec toutes les précautions d’usage car comme pour les deux entreprises citées en exemple, Libner et Carfar, il faut n’oublier aucun détail. L’exemple des masques, par exemple. Le gouvernement les réserve au corp médical. Très bien, mais quid des entreprises, des commerces etc … qui doivent trouver des solutions pour sécuriser employés et clients. La chose est possible. L’exemple de Carfar est intéressant. Séverine Vermandé est allée frapper à la porte de Linvosges qui a son usine à Gérardmer … autant faire travailler ses voisins ! Mais cela n’est pas donné à tout le monde. Alors les organisations professionnelles, comme la FFC, se saisissent du dossier « Nous souhaiterions que l’Etat commence par mettre en place un site où les TPE et PME pourraient s’approvisionner en masques sur les stocks de l’Etat. Cela permettrait de rassurer nos salariés et ils sont en outre indispensables dans bien des métiers. Je rappelle, qu’au début de cette crise, la profession a massivement fait des dons des masques, qu’elle avait à disposition, aux professionnels de santé. Nos entreprises n’en n’ont donc plus. » rappelle Patrick Cholton.

 

 

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