De la vidéo-télématique aux systèmes vision à 360° du véhicule, les caméras connectées envahissent les cabines et renforcent la sécurité du transport
Un dossier réalisé par Renaud Chasle dans le numéro 10 de TRM le Guide
Au fil du temps, la télématique cherche à se réinventer. Après l’ajout aux offres des télématiciens de boitier et services pour la remorque, puis d’application mobiles par exemple d’eCMR et de tracking des livraisons ou encore de TMS, la tendance est aujourd’hui à la vidéosurveillance. Depuis 2020 plusieurs solutions sont apparues chez les fournisseurs du marché de la seconde monte qui mettent en avant le concept de vidéo-télématique. Des caméras filment la route et les données recueillies sont associées à celles du véhicule et du conducteur. L’objectif est double : adapter les contrats d’assurance grâce à de nouveaux outils d’enregistrement en cas d’accident et renforcer la formation des conducteurs en matière de sécurité et d’écoconduite.
La vidéo se connecte à la télématique
La vidéo-télématique repose sur l’association de l’informatique embarquée existante à des dashcams positionnées derrière le pare-brise. Via ses fonctions intégrées de géolocalisation GPS et la connexion aux organes techniques du camion, la télématique collecte les données de conduite telles que la vitesse, les régimes moteur, la consommation de carburant, les coups de frein ou l’utilisation du frein moteurs, etc. Une fois transmises au logiciel de gestion sur le Cloud ou sur l’écran en cabine, ces données fournissent des indicateurs d’écoconduite qui aident le chauffeur à adapter son comportement au volant. De leur côté les dashcams bénéficient de capteurs, d’accéléromètre ou de chocs. Selon les modèles elles filment constamment la route ou enclenchent automatiquement l’enregistrement de vidéos lorsqu’elles détectent un évènement. Les images sont transmises via les réseaux de télécommunication vers des serveurs Cloud qui les stockent pour les rendre accessibles à tout moment par les gestionnaires de flotte. L’interconnexion des deux systèmes permet ainsi d’améliorer les fonctions d’écoconduite en associant les images de la route en conditions réelles aux analyses de la télématique et des données techniques du véhicule. Les assistants virtuels de conduite deviennent plus intelligents et adaptent les préconisations à l’environnement routier identifié grâce aux caméras.
Surveillance de la route
Les systèmes de vidéo-télématique offrent trois principaux avantages : renforcer la sécurité, améliorer l’écoconduite, réduire les coûts liés à la sinistralité. Reliées aux systèmes ADAS d’aide à la conduite, les caméras deviennent une source complémentaire d’informations afin d’automatiser l’adaptation du véhicule à l’environnement. Elles peuvent déclencher des alertes visuelles sur le tableau de bord ou sonores lorsqu’elles détectent un obstacle, un changement de voie inopiné, un accident au loin ou une distance de sécurité trop faible avec le véhicule situé devant. Certains modèles de dashcam disposent d’une seconde caméra qui filme l’intérieur de la cabine. Associée à une intelligence artificielle la caméra peut détecter le niveau de vigilance du conducteur, par exemple lorsqu’il manipule son smartphone, ou le risque de somnolence lorsqu’il manifeste des signes de fatigue (yeux fermés, bâillement, oscillation de la tête…).
Réduction des litiges
En second lieu, la vidéo-télématique fournit de nouvelles données ou même des preuves du comportement d’un conducteur et des autres usagers de la route en cas d’incident. Trop souvent les poids-lourds sont incriminés à tord lorsqu’un accident survient. Les chauffeurs sont parfois victimes de fausse déclaration ou de mauvais témoignage. Les constats d’accident, purement déclaratifs, manquent d’objectivité. Nombreux conducteurs roulent ainsi dans la crainte de l’incident qui, outre l’impact direct sur la tournée et sur la disponibilité ultérieure du véhicule, engendre bien souvent des surcoûts de franchise ou de police d’assurance de la part des compagnies. C’est un des premiers arguments des fournisseurs en faveur de leurs solutions vidéo-télématiques qui, selon eux, améliorent fortement la gestion des litiges en fournissant des images qui contextualisent un incident et la preuve du bon comportement et de la bonne foi du chauffeur. Certains assureurs acceptent même de revoir à la baisse leurs contrats pour les flottes équipées de solutions connectées de ce type. “La possibilité d’utiliser des images vidéo en conjonction avec les données FMS fournit une image claire de ce qui se passe sur la route. Elle fournit aux propriétaires de flottes à la fois la prévention, la protection et une preuve objective des réclamations d’assurance”, a déclaré Peter Huysmans, directeur général de Trimble Transport & Logistique pour la région EMEA.
Formations sur-mesure
Ensuite, le stockage des vidéos sur des serveurs internet permet aux formateurs en entreprise de mettre en place des formations sur-mesure. L’enjeu n’est pas de surveiller les conducteurs en permanence mais plutôt de disposer de supports pédagogique en situation réelle pour approfondir l’apprentissage de certaines bonnes pratiques ou résorber d’éventuels mauvais comportements chez les salariés. L’association des données télématiques aux images peut par exemple permettre de mieux expliquer pourquoi il aurait été préférable d’utiliser tel rapport de boite ou de privilégier le frein moteur dans une situation précise. L’analyse des vidéos peut aussi aider à comprendre une éventuelle surconsommation de carburant, par exemple si un véhicule s’est retrouvé bloqué dans un bouchon. Associés à la géolocalisation, les films peuvent aussi aider à justifier un temps d’attente trop long sur un site logistique pour mieux l’imputer au chargeur.
Les offres du marché
Depuis 2020 la majorité des télématiciens parmi lesquels Trimble, Webfleet, Astrata, AddSecure, Microlise ou SudTélématique ont ajouté à leur offre des services d’enregistrement vidéo (voir tableau des offres). A leur côté on trouve des équipementiers spécialisés ou des startups de l’intelligence artificielles telles que Samsara, Streamax, Lytx, Idrive, Trakm8, Exeros Technologies qui disposent de points de vente en Europe. Tous proposent différents matériels et des plateformes web avec intelligence artificielle pour l’hébergement et le traitement des vidéos en association avec les données techniques des flottes. Les tarifs varient en fonction des fonctionnalités disponibles. Comptez entre 30 et 130€ pour la dashcam embarquée selon le nombre de caméras intégrées et les options de connectivité. L’abonnement au service de vidéo s’ajoute ensuite aux frais du système télématique, à hauteur de quelques euros par mois et par véhicule.
La vidéo, nouveau standard des camions
Chez les constructeurs de véhicules industriels, l’utilisation de caméra se généralise également. Ils intègrent à leurs dernières générations de camion des systèmes de vision, souvent à 360 degrés, afin de réduire les angles morts et d’améliorer la sécurité routière ou des personnes alentour. Plusieurs caméras sont placées sur les côtés et à l’arrière du tracteur ou de la remorque afin de couvrir un large champ de vision. Les images s’affichent sur un écran en cabine ou sur le Smartphone du conducteur. Les caméras sont aussi utilisées pour remplacer les rétroviseurs à miroir sur les côtés des poids-lourds. Ces systèmes contribuent aussi à l’allègement du camion et à un meilleur aérodynamisme. Selon Mercedes, sa technologie MirrorCam engendre des gains de consommation de carburant de l’ordre de 1,5%. Notons que les équipementiers proposent en complément des caméras intérieures pour remorques afin de contrôler la cargaison ou de limiter les vols de fret. Elles peuvent filmer pendant les trajets mais aussi lorsque le véhicule est à l’arrêt et renvoyer les images ou des alertes sur le smartphone du conducteur ou du gestionnaire dans l’entreprise.
Idrive AI Cam, le petit boitier intelligent
Aux côtés des télématiciens, de jeunes pousses développent leurs propres solutions de vidéo-télématique. C’est le cas de la société américaine Idrive AI Cam qui s’est vu décernée le trophée de l’innovation dans la catégorie digitale lors du salon Solutrans 2021. Elle propose un simple boitier tout en un qui intègre deux caméras, un GPS et des algorithmes d’intelligence artificielle accessible pour moins de 50€. La solution est capable de détecter les comportements à risque du conducteur, une somnolence ou une perte de vigilance et déclenche une alerte sur son smartphone. Elle enregistre en continu les images de la route qui sont visualisables en temps réel sur une plateforme en ligne. En outre le logiciel affiche la positon des boitiers sur une cartographie interactive et fournit des tableaux de bord d’écoconduite et de scoring des conducteurs.
Les chiffres de la vidéo-télématique
Le cabinet Frost & Sullivan estime que les systèmes de caméras pour véhicules sont une nouvelle « norme » de sécurité pour les flottes commerciales. Selon lui les entreprises les utilisent pour diminuer la distraction du conducteur de 80 %, réduire les collisions de 60 % et les déclarations d’accident de 25 %. Leur effet sur la baisse de la sinistralité est confirmé par l’institut des technologies du transport de Virginie (NSTSCE), qui considère que l’utilisation de systèmes de caméras de véhicules combinée avec le coaching des conducteurs réduit les accidents de 52 %. Le marché devrait croitre dans les prochaines années. Berg Insight envisage que la flotte de systèmes télématiques vidéo installés en Europe et en Amérique du Nord surpassera les 6 millions d’unités d’ici 2025. Pour l’instant les américains sont en avance sur l’utilisation de ces technologies avec 2,1 millions d’unités installées en 2020 contre 0,8 million en Europe. Le cabinet prévoit une croissance de 17,9 % chaque année pour atteindre 1,8 million de systèmes de télématique vidéo en 2025 en Europe.