32 184 défaillances d’entreprises en France en 2020

Les défaillances au plus bas depuis 30 ans. L’avenir de milliers d’entreprises et d’emplois suspendu aux annonces gouvernementales.

Le groupe Altares – expert historique et référent de l’information sur les entreprises – dévoile aujourd’hui les chiffres des défaillances d’entreprises en France pour le 4e trimestre et l’ensemble de l’année 2020. En baisse de près de 40 % par rapport à 2019, le nombre de défaillances est au plus bas depuis 30 ans. Des chiffres qui résonnent comme un paradoxe au regard de la force de la crise économique et sanitaire. Des signaux d’alarmes émergent cependant avec la proportion inquiétante de liquidations judiciaires directes, la baisse des procédures de sauvegardes et le nombre d’emplois menacés qui reste élevé en dépit de la baisse globale du nombre d’entreprises en faillite.

Thierry Millon, directeur des études Altares : « 2020 restera gravée dans les annales comme l’une des plus graves crises sanitaires et économiques que le monde ait connu, faisant plonger le PIB de notre pays de 9 % en quelques mois. Et pourtant, « seulement » 32 184 entreprises (-38,1 %) ont sollicité et obtenu l’accompagnement du tribunal de commerce ou judiciaire cette année. Des chiffres d’un autre temps puisqu’il faut remonter à 1987 pour retrouver de tels niveaux. 32 184 défaillances, c’est 20 000 procédures de moins qu’en 2019. 20 000 entreprises qui auraient « échappé » au dépôt de bilan et pourraient finalement être rattrapées en 2021 pour rejoindre les rangs de milliers d’entreprises qui sortent exsangues de cette année noire. Ces chiffres ne doivent pas non plus faire oublier les plus de 130 000 emplois menacés après les dépôts de bilan de grands noms de l’habillement qui n’ont pas survécu à la crise (La Halle, Camaïeu, Celio, etc.). L’enjeu 2021 sera de réveiller progressivement l’économie de sorte à permettre aux entreprises viables de se développer et aux tribunaux de proposer aux entreprises fragilisées voire terrassées par la Covid-19 la meilleure solution de sortie ou de rebond. »

Le nombre de défaillances d’entreprises plonge de 38,1 % pour atteindre son plus bas niveau depuis 1987

Avec 32 184 procédures enregistrées, le niveau global des défaillances a reculé en un an de 38,1 % pour atteindre son plus bas niveau sur plus de 30 ans. La crise de la Covid-19 est incontestablement l’une des plus grandes déflagrations que l’économie ait connu depuis les chocs pétroliers et la crise de 2008. Pour autant, tous les pronostics de défaillances pour 2020 ont été déjoués.

Les mesures prises au printemps pour permettre aux entreprises de tenir, notamment le gel de la date des cessations de paiement dès la mi-mars, ont « protégé » les entreprises de la faillite jusqu’à la fin de l’été. Les deux derniers trimestres 2020 n’ont pas non plus été marqués par une hausse des demandes d’ouverture de procédures, grâce au nouveau plan de mesures déployé avant l’été (Fonds de solidarité, Prêt Garanti par l’État, exonération ou report de cotisations, activité partielle).

Ainsi, si le premier trimestre 2020, avant Covid, avait bien débuté avec un retrait du nombre des procédures collectives de 25 %, le deuxième trimestre, très impacté par le premier confinement, enregistrait une baisse deux fois plus rapide (- 54%), avant un recul de 35 % durant l’été et encore 40 % sur le dernier trimestre (8 207 jugements).

Nombre de défaillances d’entreprises par type de procédure par année et par trimestre
2016
2017
2018
2019
2020
Evolution 2020/2019
2019T4
2020T4
Evolution T4 2020/2019
Sauvegardes
1301
1190
1061
971
833
-14,2%
281
272
-3,2%
Redressements Judiciaires ou Liquidations judiciaires directes
57 297
54 158
53 760
51 031
31 351
-38,6%
13 233
7 935
-40,0%
dont RJ
17 768
16 532
16 448
15 875
8 030
-49,4%
4 232
1 969
-53,5%
dont LJ
39 529
37 626
37 312
35 156
23 321
-33,7%
9 001
5 966
-33,7%
Total France
58 598
55 348
54 821
52 002
32 184
-38,1%
13 514
8 207
-39,3%
Dont PME > 50 salariés
344
295
305
347
289
-16,7%
98
56
-42,9%
Ensemble Emplois menacés
197 200
167 200
171 000
173 800
133 000
-23,5%
44 000
25 680
-41,6%

Près de trois jugements sur quatre sont des liquidations directes.

Les mesures de soutien aux entreprises en trésorerie et le gel de la date de cessation de paiement ont favorisé le non-recours au redressement judiciaire. Cette procédure a reculé de près de 50% (8 030).

La situation des liquidations judiciaires est plus complexe. En 2020, les assignations de créanciers, qui sont traditionnellement à l’origine de 30 % des liquidations, ont disparu. Gelées jusqu’à l’été du fait des aménagements règlementaires, les assignations n’ont pas repris en fin d’année. Les créanciers publics et privés ayant été incités à faire appel à des règlements à l’amiable. Dans ces conditions, les liquidations judiciaires sont en retrait de 34 % (23 321). La baisse plus rapide des redressements conduit à ce que les liquidations directes approchent en 2020 trois jugements sur quatre contre deux sur trois traditionnellement.

Le nombre de procédures de sauvegarde recule de 14 % avec 833 jugements. Ce dispositif préventif représente moins de 3 % de l’ensemble des procédures, malgré la possibilité offerte aux entreprises d’y recourir exceptionnellement jusqu’au 23 août, dès lors qu’elles n’étaient pas en cessation de paiement à la date du 12 mars.

Les PME de plus de 50 salariés ont davantage sollicité la sauvegarde, qui offre deux fois plus de chances à l’entreprise de rebondir.

La procédure de sauvegarde a été davantage utilisée par les dirigeants d’entreprises de plus de 50 salariés (+12 % par rapport à 2019). En dessous de ce seuil, le recours à ce dispositif préventif recule de 15 %. C’est là un facteur important de rebond pour l’entreprise. En privilégiant la sauvegarde et donc l’anticipation, ces entreprises se donnent deux fois plus de chances de rebondir en obtenant un plan d’étalement de la dette. Pour rappel, ce processus peut être initié exclusivement à la demande du dirigeant.

 

Tous les secteurs d’activité terminent 2020 sur des niveaux de défaillance en baisse

BATIMENT | La construction tire la tendance sur l’année (-42,6 %) comme sur le 4e trimestre (- 42,8% )

Baromètre général du secteur, la construction concentre le quart des défaillances (7 479) et enregistre une baisse de 42,6 % des procédures. La tendance est tirée par le gros œuvre (-44,2 %) et le second œuvre (-45,2 %). Le recul est également sensible dans les travaux publics (37,3 %) notamment dans les travaux de terrassement courants (-40,1 %). L’évolution est un peu moindre dans l’immobilier, notamment pour les agences immobilières (-28,8 %).

 

COMMERCE | Le commerce, deuxième poste de défaillances (6 996), a bien résisté sur l’année (- 38,2 % ) et davantage encore sur le 4e trimestre (-43,5 %).

Les défauts ont reculé au même rythme dans le commerce de détail (-37,2 %) ou interentreprises (-37,4 %). La baisse est rapide dans les magasins multi rayons (-40,7 %) en particulier en alimentation générale (-46,9 %). Le « bricolage et équipement du foyer » enregistre une amélioration de 40,2 %, tirée par le meuble (-44,4 %). Le nombre de défaillances est en retrait de 30 % dans le commerce d’habillement mais les spécialistes en maroquinerie et articles de voyage sont dans le rouge (+21,7%). Les grossistes en textile, habillement ont également bien résisté (-39,7 %). Pour le négoce de matériaux, dopé par la bonne activité de la construction, le nombre de défaillances a été divisé par deux.

 

SERVICES | Dans les services aux entreprises (4 511), la tendance globale (-32,6 %) masque des tensions.

Les activités scientifiques et techniques restent solides dans le conseil en communication et gestion (-31,3 %) ou les services d’architecture et d’ingénierie (-34,8 %) mais les agences de publicité (-20,1%) sont fragilisées.

Les services administratifs sont au vert dans le nettoyage de bâtiments (-44,4 %) ou la sécurité (-32,1 %) et l’organisation de foires et salons (-34,3 %) en dépit des difficultés rencontrées par l’évènementiel. En revanche, la sinistralité augmente dans les agences de voyage (+3,1 %) ou les services administratifs de bureau (+1,7 %).

 

INDUSTRIE | La baisse des défaillances d’entreprises (2 098 ; -39,2 % sur l’année 2020) accélère sur le 4e trimestre (- 43,1%).

Dans l’alimentaire, la boulangerie-pâtisserie compte moitié moins de défaillances qu’en 2019. En revanche, les défauts sont en hausse dans la transformation et conservation de la viande de boucherie (+16%) et augmentent très vite dans la fabrication de bière.

Dans l’industrie manufacturière, la tendance est très bonne dans les matériaux de construction (-45,5 %) ou dans l’imprimerie, qu’il s’agisse du pré-presse (-34,8 %) ou du labeur (-39,7 %). Dans les activités de métallurgie ou mécanique, la baisse est sensible en fabrication de structures métalliques (-46,4 %) mais seulement de 3,4% en mécanique industrielle. L’industrie textile (-15,5 %) est également orientée à la baisse dans la fabrication de vêtements de dessus (-20,9 %) mais davantage sous tension dans la fabrication de vêtements de dessous ou d’articles de voyage, de maroquinerie.

 

TRANSPORTS | Moins de 1250 transporteurs ont défailli en 2020 (-41,5 %)

Le nombre de défaillances est en recul de 44,1 % en 2020 dans le transport routier de marchandises, une tendance qui s’accentue d’autant plus en fin d’année (-50,9 %). La baisse est de 46 % dans le transport de proximité et 42 % en interurbain. Le transport routier de voyageurs affiche une forte amélioration (- 73,2 %), portée notamment par l’activité de taxis (-40,5 %).

 

RESTAURATION | 3 300 établissements de restauration ont défailli en 2020, c’est 39,1% de moins qu’en 2019. Un recul encore plus remarquable en fin d’année (-44%).

La restauration a fixé l’attention sur cette crise Covid et les craintes étaient fortes de voir le secteur défaillir massivement. Pourtant, moins de 1 900 restaurateurs traditionnels (- 39,2%) et 1 300 établissements de restauration rapide (-40,7%) sont entrés en procédure. Un peu plus de 110 traiteurs ont également défailli (-29,2%). Enfin, près de 700 débits de boisson (- 39,4 %) ont passé la porte du tribunal.

 

Tous les territoires enregistrent une forte baisse des niveaux de défaillances

Cinq régions enregistrent une baisse supérieure à 41 %. En tête, la Corse à -47,5 % (212 défaillances) suivie à de l’Auvergne-Rhône-Alpes (3 568 ; -41,3 %) et du Grand Est (2 378 ; -41,3 %) puis des Pays de la Loire (1 298 ; -41,2%) et du Centre Val-de-Loire (1 027) en baisse de 41,2 %.

Dans quatre régions les reculs des défaillances se situent entre 37% et 41%. Occitanie (2704 ; – 40,1%), Nouvelle Aquitaine(2704 ; – 39,0 %), Hauts de France (2 424 ; – 38,3 %), Bourgogne(1235 ; – 37,2 %).

En dessous de -37% on trouve la Normandie (1367 ; – 36,6 %), la Bretagne (1 296 ; – 36,0 %). Les régions Ile-de-France (7 479 ; – 35,0 %) et PACA (3 499 ; – 34,6 %) ferment la marche.

Une forte augmentation attendue pour 2021 et plus encore pour 2022

Thierry Millon conclut : « Une chose est certaine, l’engagement du ‘quoi qu’il en coûte’ pris par le Président de la république en mars dernier a évité que la violente crise économique ne vienne noircir les registres des tribunaux de longues listes de faillites Covid-19. Le niveau de défaillances de 2020 s’apparente pourtant à une anomalie statistique. Comment imaginer que 2020 ait pu compter « seulement » 32 000 défauts ? Les adaptations juridiques, administratives et soutiens en trésorerie ont permis aux entreprises de se prémunir du défaut de paiement, sans quoi le pire était à redouter. Les précédents records de défaillances, proches de 65 000, auraient été largement dépassés. “Le plus dur est devant nous” rappelait Bruno Lemaire début janvier. Naturellement nous devons anticiper une forte augmentation du nombre de défaillances au regard de 2020 ; a minima un retour à la situation de 2019 (52 000) et probablement davantage si aux accidentés du Covid devaient s’ajouter un grand nombre des 20 000 entreprises épargnées de 2020. La question est donc de savoir s’il est possible d’amortir le choc, de permettre un retour progressif à la normale en débranchant graduellement les aides à destination de certaines entreprises et en renforçant l’accompagnement d’acteurs viables. Enfin, 2021 mais aussi 2022 verront le risque de défaut de paiement s’accroitre fortement pour des milliers d’entreprises, provoquant un autre risque pour les fournisseurs : celui de la propagation de la défaillance des clients. Gare à l’effet domino ! »

L’étude complète « Défaillances et sauvegardes d’entreprises – 4e trimestre & bilan 2020 » est disponible en cliquant ici

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